Tous unis ! En cette journée européenne de lutte contre la violence dans les soins de santé, un collectif d'une quinzaine d'associations, syndicats et organisations représentatives de soignants a appelé à l'adoption rapide d'une proposition de loi durcissant les sanctions contre les agresseurs des professions de santé.
« Il ne se passe pas une semaine sans qu’un soignant ne soit victime d’agression. On en a marre ! », a lancé dans la matinée face à la presse le Dr Saïd Ouichou, généraliste marseillais à l’origine du « Collectif du 12 mars, santé en danger ». Pour lui comme pour les syndicats médicaux (SML, UFML-S, FMF, FNMR) et collectifs ou associations (Comeli, Médecins pour demain, Médecins secteur 3, etc.) qui l’ont rejoint dans son appel, il est plus qu’urgent d’agir.
Ces violences, ont expliqué les intervenants, sont devenues banales, voire systémiques. Dernière agression en date ? Celle de la Dr Juliette Hayot, généraliste de 38 ans des Bouches-du-Rhône, qui s’est fait menacer la semaine dernière à sa sortie de garde par « un individu, couteau à la main », qui voulait lui soutirer sa recette. Depuis, la généraliste, qui continue d’assurer la permanence des soins, le fait avec un garde du corps qu’elle paye de sa poche, « 15 euros de l’heure ».
L’Ordre en soutien
Également présent, le Dr Jean-Jacques Avrane, président de l’Ordre des médecins de Paris et délégué de l’observatoire national de la sécurité des médecins (ONSM) a confirmé qu’en 20 ans d’existence, l’observatoire avait enregistré une hausse constante des incidents à l’encontre des praticiens. « Et les prochains résultats ne sont guère encourageants », confie-t-il.
« Nous avons lancé la semaine dernière une enquête flash sur notre site pour recueillir le témoignage des médecins franciliens qui subissent des violences verbales ou physiques dans leur exercice quotidien », ajoute la Dr Natacha Regensberg de Andréis, secrétaire générale adjointe de l’URPS ML d’Île-de-France. En 48 heures, l’enquête avait recueilli plus de 150 verbatims.
La proposition de loi Pradal à l’ordre du jour du Sénat en mai
À l’unisson, les soignants ont placé les pouvoirs publics devant leurs responsabilités. Avec des exigences concrètes dont l'application du plan de lutte contre les violences faites aux soignants, annoncé par le gouvernement en 2023… et la reprise à l’agenda du Sénat de la proposition de loi (PPL) de l’ex-député (Horizons) Philippe Pradal.
Ce texte prévoit l'aggravation des sanctions encourues en cas de violences contre les soignants. Il avait été « stoppé net » à l’été avec la dissolution, a rappelé le Dr Ouichou. Sur ce dernier point, le collectif du 12 mars semble avoir obtenu gain de cause. Le président du Sénat Gérard Larcher lui a donné l’assurance qu’il ferait le maximum pour que la PPL soit inscrite « dans les meilleurs délais » à l’ordre du jour de la Chambre haute. Mieux, le ministère de la Santé précise ce mercredi que les débats sur le texte reprendront « en mai 2025 ». La condamnation à trois semaines de travaux d’intérêt général pour l’agresseur du Dr Oulmekki, victime d’un très violent coup de tête, « a beaucoup choqué, même si depuis, le Parquet a fait appel », insiste le Dr Saïd Ouichou.
Autre requête du collectif : l’élargissement du délit d’outrage aux soignants dans l’exercice de leur fonction et l’application systématique « d’une circonstance aggravante en cas de violences physiques ayant entraîné une ITT même inférieure à 8 jours », développe le Dr Franck Clarot, radiologue et secrétaire général de la FNMR Normandie. La mobilisation nationale des parquets généraux pour garantir la sécurité des soignants, quel que soit leur lieu d’exercice, est aussi exigée. « Nous savons que nous sommes entendus, mais maintenant, il faut passer aux actes », martèle le Dr Clarot.
« Tolérance zéro », (ré)affirment les ministres
Le message a-t-il été entendu ? Ce mercredi, Yannick Neuder et Catherine Vautrin ont proposé (ou recyclé) une première salve de mesures, sous la bannière « tolérance zéro » vis-à-vis des violences. Au programme, l’accompagnement de l’État autour des formations des soignants pour lutter contre la cyberviolence ; la sécurisation de l’exercice en ville par un soutien aux collectivités territoriales dans le déploiement de dispositifs de protection ; et un meilleur encadrement de la prise en charge de patients souffrant de troubles psychiatriques.
« Chaque acte de violence doit être signalé et chaque signalement doit déboucher sur une action », réaffirme l’avenue de Ségur. La création d’un réseau national des « référents de sécurité » au sein des ARS, est aussi annoncée. Tout cela est bel et bon, « mais ces référents sécurité existent déjà. Tout comme les référents auprès des commissariats et des tribunaux », souligne la Dr Regensberg de Andréis. Mais au fil du temps, le numéro d’appel direct devient parfois obsolète. « Il faut rappeler les nouveaux et leur rappeler aussi l’existence de ces protocoles spécifiques qui existent pour notre sécurité… Ce serait déjà une première chose de garantir l’efficacité de l’existant », tacle l’élue de l’URPS-ML francilienne.
Cri d’alerte devant Ségur
Une vingtaine de médecins - dont des représentants syndicaux - se sont ensuite rassemblés devant le ministère de la Santé, à Paris. « Il y a une de mes collègues qui a été poursuivie avec une hache », nous a confié le Dr Olivier Belenfant, généraliste à Enghien-les-Bains (95). « Les agressions verbales, physiques, sur Internet ou en cabinet, tous les soignants les subissent. L’impact psychologique et physique est lourd, et cela affecte aussi les patients que nous recevons ensuite. »
Derrière les slogans « Médecins matraqués » et « Agissons ensemble, protégeons chacun y compris les médecins », les manifestants ont dénoncé l’absence de soutien de l’État face à une situation devenue intenable, aussi bien en cabinet qu’à l’hôpital. Une délégation a été reçue par le ministère, dans l’espoir de mesures concrètes pour protéger ceux qui soignent.
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