« La contribution aux gardes devrait être plus importante »
Vous avez déclaré début août que les libéraux devaient faire davantage de gardes. Pourquoi ?
Pr Jean-Louis Touraine. Certains ont mal compris ce que je disais. En attendant que la pénurie de médecins se résorbe, nous devons trouver un moyen d’améliorer la situation. Pour cela, il faut mieux organiser l’hôpital, en particulier les urgences. Mais la ville doit aussi prendre sa part. Depuis que les gardes ne sont plus obligatoires, il y a eu une relative diminution de la contribution des médecins de ville. Mon but est que nous nous mettions tous autour d’une table pour trouver comment améliorer l’accueil aux urgences, sans que ça ne contraigne personne. Je ne suis pas pour un retour des gardes obligatoires. En revanche, à la FHF, nous constatons que l’Ondam a été ces dernières années plus important pour la ville que l’hôpital. La contribution aux gardes devrait donc être progressivement plus importante.
Les libéraux auraient-ils moins qu’avant le sens de leur responsabilité vis-à-vis de la population ?
Pr J.-L. T. Elle est la même chez tous les médecins. Les pratiques d’aujourd’hui ont un peu changé, mais philosophiquement les praticiens ont gardé les mêmes valeurs. Les gardes ont été rendues facultatives, mais il n’y a pas eu d’encouragement au volontariat. Évidemment, une partie des médecins, pour diverses raisons, s’est dit « si je peux éviter de prendre des gardes, tant mieux ». Il ne faut pas passer d’un extrême à l’autre.
Les généralistes travaillent en moyenne 54 heures par semaine, peuvent-ils faire plus ?
Pr J.-L. T. On peut en dire autant des hospitaliers. Je ne dis pas qu’il faut travailler plusieurs nuits de suite, mais on ne peut pas écarter toute possibilité de participation. Ma mère exerçait en ville, je sais très bien qu’il y a une limite à ne pas dépasser. Aidons donc les libéraux à mieux s’organiser. L’arrivée d’assistants médicaux va décharger les praticiens de certaines tâches. Malheureusement, ce temps-là ne sera pas du temps de loisir en plus. Il sera consacré à accueillir plus de malades, y compris en garde. Cela déchargera un peu les urgences.
« Les médecins généralistes sont à bout de souffle »
Les libéraux font-ils suffisamment de gardes actuellement ?
Dr Matthieu Calafiore. Ce qu’oublie le Pr Jean-Louis Touraine, c’est que beaucoup de médecins généralistes prennent leurs gardes en plus de leur journée habituelle, comme nos confrères hospitaliers. Mais nous n'avons pas de repos de sécurité derrière. Reporter la faute sur les praticiens libéraux est une façon de détourner l’attention du problème principal : celui des lits d’aval. Il faut aussi remettre les choses en perspective : qui a eu l’idée extraordinaire en 1995 de diminuer les dépenses de santé en réduisant le nombre de médecins ? Dire que les libéraux ne feraient pas assez de gardes, c’est méconnaître totalement la façon dont ils travaillent. Nous ne comptons pas nos heures et dépassons tous largement les 48 heures par semaine, qui sont la règle pour nos confrères hospitaliers.
Faut-il encourager les médecins à faire plus de gardes ?
Dr M. C. Les généralistes sont à bout de souffle. Les cas de burn-out se comptent par dizaines, voire centaines. Des confrères mettent fin à leurs jours… Et l’idée extraordinaire de nos décideurs serait d’augmenter encore leur temps de travail ? À un moment, ça va éclater. Si les libéraux se tournaient les pouces, je serais le premier à dire qu’ils doivent travailler un peu plus. Mais ce n’est pas le cas. Ce qu’il faut, c’est décharger les praticiens de certaines missions totalement absurdes, comme la rédaction de certificats médicaux en tout genre. Cela dégagera du temps médical et c’est ainsi qu’on va désengorger un peu les urgences. Pas en augmentant leur temps de travail, déjà largement au-dessus de la moyenne européenne.
Y a-t-il des progrès à envisager du côté des patients ?
Dr M. C. Oui ! Nous sommes tous fautifs dans l’histoire. Nous avons appris aux patients qu’ils devaient avoir une réponse immédiate à leur problème. Il faut leur apprendre quels signes doivent faire consulter en urgence et quels sont ceux à surveiller.
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