On a, nous aussi, notre lot de naïfs crédules, même à bac +10… Il y a un manque dramatique de réactivité collective face à ce que l'on subit depuis au moins 2004 (pour moi la réforme Douste-Blazy a été le Rubicon que nous aurions massivement dû refuser de franchir…) mais la vénalité - ou la situation financière délicate - d'une partie importante de la profession nous a faits, par la passivité induite, troquer médecine visant à la qualité pour prostitution à des intérêts autres que déontologiques et soumission/inféodation à des « autorités »qui démentent davantage d'année en année la pertinence de leur action… Selon moi, nous en sommes réduits à quatre options.
Option A : « altruiste et couillon ou idiot jusqu'à en crever»
On continue de se soumettre et d'assister à la dégradation de la qualité de soin et du niveau de santé dans ce pays alors que nos conditions de vie professionnelle vont elles aussi plonger. L'annonce récente de la baisse de l'espérance de vie m'a surpris : je me serais attendu à ce que cela arrive sous dix à quinze ans, mais, apparemment, une fois encore, la réalité dépasse la fiction et la vie n'attend pas les atermoiements des beaux parleurs… Ceci devrait nous faire réagir, mais nous faisons encore l'autruche…
Option B : « altruiste et désireux de bien faire encore mais sans trop se mouiller »
Nous nous déconventionnons « tous » pour, au moins, assainir la façon dont l'on peut travailler, sortir des inepties administratives et des contraintes négatives pour nos patients et nous. Nous pourrons, à ce moment-là, « soigner » correctement une part plus réduite de la population en y consacrant le temps nécessaire et en se retenant de penser à tous ceux qui resteront sur le bas-côté. Ce n'est pas notre faute si, du fait de décisions politiques désastreuses depuis 25 ans, on n'a pas une couverture de généralistes suffisante pour cette population qui vieillit et se paupérise dans sa très grande majorité. Donc, il nous faut assumer en tant qu'adultes que nous ne serons pas en mesure de maintenir une protection aussi généralement solidaire qu'avant. On doit rentrer dans une optique « de médecine de guerre » où l'on va à l'essentiel et sauver ce qui est sûr de pouvoir l'être - les anciens apprécieront! - ... Là encore, merci à la vision politique myope dont nous commençons à récolter les fruits toxiques.
Option C : « discuter avec ces politiques machiavéliques n'est plus de mise »
L'option b peut être un préalable à celle-ci pour ceux dont la moutarde n'aurait à ce jour pas encore atteint leurs narines assez fort, option qui me paraît la plus désirable, même si j'aspire à la paix avant tout. On a compris que discuter n'est plus de mise avec ces politiques machiavéliques et visiblement malintentionnés ou seulement hors sujet jusqu'à l'aberration, donc on abat le château de cartes toxique qui tue ce pays (je parle de l'ensemble de la classe politique et de l'ubuesque buisson législatif et normatif). Nous franchissons le pas que de plus en plus de citoyens désirent avec raison, mais encore trop mollement tant qu'ils ne crèveront pas de faim : désobéissance civique sans compromission, désengagement et refus total de tout ce qui est en train de souder une dictature bureaucratique dans ce pays (et en Europe). Ceci nous conduit, par nécessité, à une nouvelle révolution qui doit abroger la Ve République (devenue non démocratique si elle l'a jamais réellement été) et en fonder une VIe dans laquelle nous veillerons à protéger constitutionnellement des bricolages pécuniaires les secteurs Éducation et Santé, et qui devrait ne pas pouvoir être occupée à plus de la moitié par des « politiques professionnels » . Je veux bien qu'il faille des gestionnaires administratifs, mais la simplification dont on a un urgent besoin n'est visiblement pas dans leur ADN et leur total manque d'imagination et d'anticipation pour les défis à venir serait fatal. ces « politiciens de carrière » sont des profiteurs et des baratineurs, il nous faut des « esprits libres », des meneurs sortis de la société civile, dotés de vraie créativité et de courage politique, qui ne soient pas obsédés par leur gloire ou leur fortune, et qui connaissent la réalité de la vie et du travail.
Option D : « sauve-qui-peut »
On quitte le Titanic-France pour aller trouver dans d'autres pays des conditions de travail et de vie moins absurdement compliquées et plus sereines et satisfaisantes. Mais il semble encore que notre espérance illusoire en une France-phare qui serait toujours le meilleur pays ou vivre et l'attachement à notre passé et nos biens matériels maintiennent la vaste majorité d'entre nous à l'écart de cette possibilité de migration… Mercredi dernier, mon banquier ne trouvait rien à répondre lorsque je lui disais : « de toute façon ceux de ma génération qui ne se mettent pas d'œillères savent bien que ce qu'on leur pique pour la retraite ne leur reviendra très probablement jamais, on paye aujourd'hui l'inconséquence de la génération de nos parents, qui eux-mêmes vont se retrouver marron lorsque leurs pensions cesseront d'être versées ou auront trop diminué » (j'ai 44 ans). Son silence au regard embarrassé (il cherchait à me vendre une assurance vie) m'a paru en dire long et j'ai cru un instant qu'il allait craquer et me dire que lui aussi se posait la question de savoir s'il était censé de rester dans ce pays dans le contexte actuel !
Il y a eu des médecins sur les barricades françaises en 1789, en 1848, en 1871; c'est déplorable d'en arriver là mais je considérerais sain que notre profession soit à l'origine des barricades que 2017 pourrait voir fleurir… Ce n'est pas « nos »politiciens qui bâtiront notre avenir, ils ne travaillent que pour le leur. Donc, chères consœurs et chers confrères, à vos pioches !
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