Il a été nommé à Matignon mais n'aurait pas dépareillé à Ségur... C'est un fin connaisseur du monde de la santé qu'Emmanuel Macron a nommé Premier ministre ce vendredi 3 juillet, en remplacement d'Édouard Philippe. Jean Castex, 55 ans, sera chargé d'appliquer le « nouveau chemin » qu'Emmanuel Macron a commencé à dessiner, avec une priorité accordée à la santé et au grand âge, un plan pour la jeunesse et la remise en chantier de la réforme (amendée) des retraites.
Très peu connu du grand public, sauf comme l'architecte du déconfinement réussi pendant la crise sanitaire, Jean Castex est un « serviteur de l'État » (dixit Xavier Bertrand) et un homme de dossiers – un « techno », diront certains – au profil de gaulliste social.
Reconduit dès le premier tour à la mairie de Prades (Pyrénées-Orientales), Jean Castex est l'archétype du haut fonctionnaire. Énarque, conseiller référendaire puis conseiller-maître à la Cour des comptes, ce Gascon marié et père de quatre enfants a mis un pied dans la santé dès janvier 2005 en prenant à seulement 39 ans la succession d'Édouard Couty à la tête de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) pour piloter l'ensemble du parc hospitalier public.
Défenseur de la T2A
Il n'y restera que 18 mois – le temps de promouvoir la tarification à l'activité (T2A) –appelé en septembre 2006 par Xavier Bertrand à la tête de son cabinet au ministère de la Santé et des Solidarités, puis au ministère du Travail de 2007 à 2008.
En novembre 2010, Jean Castex prend du galon en remplaçant Raymond Soubie au poste stratégique de conseiller aux affaires sociales à l'Élysée. Il contribue à l'élaboration de la politique de Nicolas Sarkozy dans les domaines du travail, de l’emploi, de la Sécurité sociale, de la santé, du logement, de la politique de la ville et de la formation professionnelle.
Par effet domino, le « monsieur social » de l'Élysée poursuit son ascension en endossant en février 2011 le rôle de secrétaire général adjoint de la présidence. Dans cette présidence hyperactive, Jean Castex a le nez partout, spécialement dans les affaires de Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé. « Raymond Soubie puis Jean Castex ont été très aidants. Je les respectais, ils me respectaient. Certains ministres se sont plaint des conseillers de l’Élysée. Moi je ne peux pas m’en plaindre. Vraiment pas. Mais j’ai aussi une certaine personnalité », nous confiait Roselyne Bachelot à l'heure du bilan.
Ancrage local
En dehors de Paris, Jean Castex s'arrime localement à Prades en tant que maire depuis 2008 et à la région Languedoc-Roussillon en tant que conseiller de 2010 à 2015. Aux législatives de 2012, il tente d'emporter sous les couleurs de l'UMP la troisième circonscription des Pyrénées-Orientales mais en sort battu par la candidate socialiste Ségolène Neuville, médecin à l'hôpital de Perpignan.
Décrit comme un homme « affable », «compétent », doté d'un « coté bonhomme et rugbyman » mais « sachant faire preuve d'autorité », Jean Castex est également connu pour ses capacités à déminer les conflits. « Il est un haut fonctionnaire complet et polyvalent qui aura à cœur de réformer l'État et de conduire un dialogue apaisé avec les territoires », confirme ce vendredi l'Élysée.
Revel quitte la CNAM
L'autre grande surprise du jour est la nomination du DG de l'assurance-maladie, Nicolas Revel, en tant directeur de cabinet du nouveau premier ministre Jean Castex.
Nicolas Revel, 54 ans, avait été reconduit en octobre 2019 à son poste de directeur général de l'assurance-maladie, où cet ancien secrétaire général adjoint de l'Élysée avait été nommé en 2014. Il avait alors rempilé pour un second mandat de cinq ans – le premier arrivant à échéance mi-novembre.
Cet énarque, fils de l'écrivain Jean-François Revel et de la journaliste Claude Sarraute, a fait ses armes à la Cour des comptes. Conseiller technique auprès de Jean Glavany au ministère de l'Agriculture, il fut ensuite porte-parole, puis directeur de cabinet de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris (2008). À l'Élysée, il avait travaillé en tandem avec Macron durant les deux premières années du quinquennat Hollande (2012/2014), en tant secrétaire général adjoint. Il était particulièrement en charge des politiques publiques.
C à 25 euros, téléconsultation, assistants, perte d'activité...
Lors de son premier mandat, le DG de la CNAM, réputé pour son excellente connaissance des dossiers et sa ténacité dans les discussions, avait piloté les négociations avec les médecins libéraux aboutissant à la nouvelle convention, à l'accord sur la télémédecine ou à la mise en place des assistants médicaux. Agnès Buzyn avait alors salué « la qualité du travail et l’engagement » de Nicolas Revel.
Ces derniers mois, son mandat avait évidement été marqué par la crise du coronavirus et son impact qui a fortement mobilisé la CNAM pour amortir le choc. Il a accepté rapidement d'élargir les conditions de la télémédecine remboursée à 100 %, instauré une prise en charge des IJ pour les professionnels exposés, instauré une consultation complexe post-confinement (PCV) et surtout mis en place une vaste procédure de compensation financière pour perte d'activité des libéraux de santé. Dans nos colonnes, il s'en était largement expliqué, précisant que cette indemnisation vise une compensation des charges pour les libéraux mais en aucun cas une garantie de revenus.
Nicolas Revel avait déjà été pressenti en 2017 pour être nommé dircab d'Édouard Philippe. Mais ce dernier avait préféré imposer Benoît Ribadeau-Dumas, un ami intime. Son nom avait aussi circulé pour remplacer Gérard Collomb à l'Intérieur en 2018...
Avec Jean Castex et Nicolas Revel, c'est donc un tandem très coloré « santé » qui rejoint aujourd'hui Matignon.
Les libéraux saluent Revel
Les syndicats représentatifs des médecins libéraux, qui ont côtoyé Nicolas Revel sur les chantiers conventionnels – souvent pendant de longues heures de négociations – saluent un homme à l'écoute et compétent. « Nicolas Revel a toujours été un partenaire attentif, à trouver des solutions, même si nous n’étions pas toujours d’accord », souligne le président de MG France le Dr Jacques Battistoni. Il espère un successeur avec « les mêmes qualités » pour reprendre les chantiers conventionnels. « Je regrette son départ car nous avions toujours discuté, il quitte l'assurance-maladie au milieu du gué, juge de son côté le Dr Jean Paul Hamon, président d’honneur de la FMF. Ce jeu de chaises musicales ne garantit pas la continuité... »
Pour le président de la CSMF, Dr Jean-Paul Ortiz, le départ de Revel pour Matignon est le signe d'une forte inflexion de la politique gouvernementale vers le sanitaire et le social. « Jean Castex est un homme de dossiers qui connaît bien le monde sanitaire, et Nicolas Revel est l'homme de la CNAM, des comptes de la Sécu. Ce choix du président est donc clair », décrypte le Dr Ortiz. « Ferme dans ses objectifs », le patron de la CNAM n'en était pas moins ouvert au dialogue, souligne le Dr Jean-Paul Ortiz.
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