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Dossier

Les paradoxes du PLFSS 2021

Sécu : budget de crise mais vieilles recettes

Par Cyrille Dupuis et Loan Tranthimy - Publié le 20/10/2020
Sécu : budget de crise mais vieilles recettes

L’examen du texte débute aujourd’hui dans l’Hémicycle
SEBASTIEN TOUBON

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2021) arrive aujourd'hui en séance publique à l'Assemblée nationale. Si ce budget hors normes est très marqué par la crise et l'effet Ségur, il ne convainc ni les libéraux, ni l'hôpital, ni les industriels.

C'est une première douloureuse pour Olivier Véran. Le neurologue doit défendre devant les députés, toute cette semaine en séance publique, un budget de la Sécu marqué par une dégradation financière sans précédent dans l'histoire des comptes sociaux.

Alors qu’un retour à l’équilibre était entrevu et espéré, la crise du Covid a tout balayé. Le déficit du régime général dépassera 41 milliards en 2020 et approchera 25 milliards l'an prochain. Le « trou » de la seule branche maladie flirte avec les 30 milliards cette année (19 milliards en 2021). Pour assurer les besoins immédiats de financement, il a fallu relever les plafonds d'emprunt de la banque de la Sécu à hauteur de 95 milliards d'euros...  

Pour autant, ce PLFSS ne se contente pas uniquement d'être un texte « de crise ». Il traduit les engagements salariaux du Ségur de la Santé, amorce un programme significatif d’investissement et de reprise de dette dans les hôpitaux, lance la création de la fameuse cinquième branche de la Sécu pour le soutien à l'autonomie (en attendant la loi grand âge) et  double le congé paternité... Il poursuit aussi quelques réformes de financement (forfait populationnel) et accélère des organisations para-hospitalières innovantes comme les maisons de naissance ou les hôtels hospitaliers. 

Colères 

Malgré tout, ce budget que son rapporteur général qualifie volontiers d'« historique » (ci-dessous) reprend nombre de vieilles recettes, qui aliment les critiques du secteur de la santé. D'abord parce que le gouvernement programme un train classique de 4 milliards d’euros d'économies. Un tour de vis qui touche l’hôpital (environ 800 millions), les soins de ville (maîtrise médicalisée, IJ, transports) mais surtout les produits de santé à hauteur de 640 millions d’euros pour les médicaments et 150 millions pour les dispositifs médicaux. Une « logique budgétaire mortifère » sans « vision », tonne dans nos colonnes le député apparenté LR Jean-Carles Grelier (lire ci-dessous).

La colère est montée d'un cran dans le secteur libéral. Avec une enveloppe étriquée de 300 millions d'euros pour les rémunérations et le report de la convention médicale jusqu’en 2023, la ville voit s’éloigner toute revalorisation significative pendant deux ou trois ans. Comment réussir le virage ambulatoire dans ces conditions ?

A l’hôpital, l'effet Ségur est loin. Le 15 octobre, des milliers d'hospitaliers ont battu à nouveau le pavé, à l'appel de syndicats et collectifs de soignants, dans le cadre d'une journée d'action pour les salaires et des embauches massives immédiates. Le PLFSS est aussi jugé « illisible » par la Fédération hospitalière de France (FHF). L’organisation de Frédéric Valletoux, qui a fait ses calculs, réclame une « hausse complémentaire indispensable » de l’enveloppe hospitalière à hauteur de 500 millions d’euros pour 2020 et 700 millions pour 2021. Elle s'alarme pour le renforcement des effectifs, notamment dans le secteur médico-social. Quant aux industriels des dispositifs médicaux, leur principal représentant (Snitem) a réitéré sa demande de « moratoire sur les baisses de prix d’ici à la fin du quinquennat », pour redonner de l'oxygène aux entreprises d'un secteur constitué à 90% de PME françaises. 

Beaucoup d'acteurs regretteront enfin que ce budget ne permette pas encore de changer la donne en matière de prévention, à la faveur d'une approche stratégique et d'un financement spécifique.  

Loan Tranthimy et Cyrille Dupuis