C’est une situation à laquelle tous les médecins de terrain pourraient être confrontés. En août 2021, le Dr V. est alerté par l’épouse d’un patient avec lequel il avait rendez-vous. Âgé de 87 ans, ce dernier est victime d’un malaise, sans perte de connaissance, alors qu’il est dans sa voiture, à proximité du cabinet, au moment de se rendre à sa consultation. Son épouse, qui ne parvient pas à le sortir du véhicule, sollicite le Dr V., qui refuse de se déplacer et lui conseille de se rendre au service des urgences situé à 10 minutes. Le couple choisit finalement de rentrer au domicile. Le patient diabétique, polypathologique, décédera dans la soirée.
Le Dr V. a-t-il été négligent vis-à-vis de son patient en refusant de se déplacer ? La justice en a décidé ainsi. Le 14 mars dernier, le tribunal correctionnel d’Angoulême l’a condamné à une amende de 4 000 euros pour non-assistance à personne en danger (dont 1 000 euros versés à la veuve du défunt), selon une information publiée par « La Charente Libre » et confirmée au « Quotidien ».
Il a également été sanctionné d’un blâme par la chambre disciplinaire de Nouvelle-Aquitaine de l’Ordre des médecins, en décembre 2022, à la suite d'une plainte de l’épouse du patient auprès du conseil départemental de la Charente (qui ne s’y est pas associé).
Un comportement non déontologique
Durant la procédure ordinale, le Dr V. a tenté, en vain, de se justifier. S'il ne s'est pas rendu auprès de son patient atteint d'un malaise, c'est « pour ne pas, selon lui, retarder la prise en charge », peut-on lire dans la décision de la chambre disciplinaire rendue publique le 6 février, et que « Le Quotidien » a consultée.
La justice ordinale n'a pas retenu cet argument, estimant que le généraliste avait fait preuve de négligence, d'autant plus qu'il n'avait « par ailleurs, nullement prévenu le service des urgences de l'arrivée de ce malade », qu’il avait donc enfreint le code de déontologie médicale en manquant d'« assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués […] » (article R. 4127-32 du code de la santé publique).
Circonstances aggravantes, le praticien avait connaissance de la vulnérabilité de son patient, qu’il suivait depuis 2003, et « qu’il savait atteint de nombreuses pathologies dont certaines à risque ».
La justice pénale ne s’est pas montrée plus clémente à l’égard du Dr V. « J’ai du mal à comprendre qu’un médecin qui n’est pas surchargé – c’était son premier rendez-vous de l’après-midi –, ne se déplace pas », a pointé la procureure lors de l’audience du 14 mars, selon des propos rapportés par « La Charente Libre ». Le Dr V., aujourd’hui retraité, n’en a pas fini avec cette affaire. Le généraliste ayant fait appel de la décision ordinale, il devra comparaître devant la chambre disciplinaire nationale pour faire valoir ses arguments.
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