Victime de la pénurie de généralistes, ces communes ont tenté d’attirer l’attention en exploitant à fond Internet, les réseaux sociaux et le bouche à oreille. Vidéo humoristique, happening géant, mannequin challenge, canular… tout était bon pour convaincre un ou plusieurs médecins de s’installer. Ces initiatives ont-elles atteint leur objectif ? « Le Quotidien » a renoué le contact avec ces communes pour le savoir.
Un caducée géant à Plonevez-Porzay : 2 jeunes médecins et une maison de santé en projet
Après deux ans de recherches infructueuses, ce village du Finistère est parvenu à ses fins. Deux jeunes médecins s’installeront en janvier 2018 à Plonévez-Porzay. D’ici là, ils effectuent déjà des remplacements pour suppléer l’unique généraliste en place, dont le départ en retraite est programmé en fin d’année.
En septembre 2016, l’Association des professionnels de santé du Porzay et la mairie avaient réalisé un petit clip vidéo sur l’air de la série américaine « Mission Impossible » et organisé un happening géant sur la plage de Sainte-Anne-la-Palud, invitant la population à former une chaîne humaine dessinant un caducée géant. « Un jeune médecin a vu un reportage sur France 3, raconte Dominique Robyn, infirmière et membre de l’association. C’est ce qui l’a poussé à venir nous voir lors d’un “Généralistes dating” à Brest. On s’est revu par la suite et il a accepté de nous rejoindre ». Une part de chance reconnaît Dominique Robyn, mais c’est aussi le dynamisme et la motivation de l’équipe de soignants qui a convaincu le jeune médecin. Prochaine étape : trouver les subventions pour financer le projet de maison de santé pour lequel l’ARS a déjà donné son feu vert. En attendant, la mairie du village a refait à neuf un cabinet afin d'accueillir les deux généralistes.
À Guiclan, le coup double des Dalton
Cette commune du Finistère n’avait plus de médecin depuis un an. L’opération de communication menée par la mairie a tout changé. En juin 2016, le maire (déguisé en shérif) et les habitants tournent un clip décalé mettant en scène Lucky Luke et les Dalton, en vue de promouvoir la commune lors d’un"Généralistes dating". Une grande banderole est également déployée le long d’un axe routier très fréquenté. Bingo : quelques semaines plus tard, une jeune généraliste se porte candidate. Installée depuis le mois de mai 2017, elle sera rejointe en début d’année prochaine par une consœur bientôt thésée. Même une pharmacie a rouvert ! « On a essayé de faire preuve d’originalité dans notre communication. Et puis on a eu la chance que les médias relaient nos opérations », constate le maire de Guiclan, Raymond Mercier.
Il a fallu aussi que toutes les conditions soient réunies pour séduire les jeunes candidates. « Elles voulaient travailler ensemble et collaborer avec une équipe de soignants », indique l'élu. La maison de santé en construction dans le village répond à ces attentes. Elle est financée à hauteur de 85 000 euros par les habitants du village qui ont pris des parts dans la société immobilière. La commune finance le reste sous forme de prêts. « L’implication de la population a aussi contribué à montrer aux candidats que tout le monde était mobilisé pour les accueillir », insiste Raymond Mercier.
Un mannequin challenge à Plédran : 6 ans de loyers gratuits ? C’est non !
Avec quatre médecins, Plédran (Côtes-d’Armor) et ses 6 800 habitats était à l’abri de la désertification médicale. Jusqu’au mois de septembre 2016. Deux généralistes prennent alors leur retraite. Et d’ici trois ans, c’est un autre praticien qui s’en ira. De quoi inciter la mairie à réagir. Avec l’aide d’une agence spécialisée, la commune réalise et diffuse sur les réseaux sociaux un clip promotionnel s’inspirant des vidéos « mannequin challenge », très en vogue sur Internet. Très réussie, l’initiative est relayée par « Ouest France ». Sans succès.
« On a eu quelques contacts, mais ça n’a pas abouti », regrette Christiane Le Moual, adjointe en charge de l’action sanitaire et sociale, à Plédran. « C’est très inquiétant pour le futur », confie l’élue, un peu désemparée. La mairie est prête à quelques efforts pour aider les candidats à s’installer : rafraîchir le cabinet laissé vacant par les retraités et offrir quelques mois de loyers. Mais les exigences de certains médecins, venus aux renseignements, ont découragé Christiane Le Moual : « On a eu un médecin qui demandait 6 ans de loyers gratuits. Faut pas pousser non plus ! Je trouve cela choquant ! »
Un faux druide à La Roche-Derrien : beaucoup de bruit et un médecin
L’affaire avait fait grand bruit en mars 2016 : La Roche-Derrien, dans les Côtes-d’Armor, accueille un druide, faute de médecin. Un canular monté de toutes pièces pour attirer l’attention des médias sur les problèmes de désertification médicale dans la région. Le village recherche un voire deux médecins. L’opération médiatique est un vrai succès, et une douzaine de candidats se manifestent. En juin 2016, le maire annonce l’arrivée d’une généraliste pour le mois d’octobre suivant. La quête n’est pas finie : la commune recherche un quatrième médecin pour répondre aux besoins de la population et combler le prochain départ en retraite d’un généraliste en place.
À Lasseube : le désarroi face à des médecins « mercenaires »
Le maire de Lasseube enrage. Il était à deux doigts de convaincre un médecin belge de s’installer dans cette commune des Pyrénées-Atlantiques. L’été dernier, ce praticien a finalement renoncé à venir, sans doute refroidi par la sortie de Lasseube de la zone de revitalisation rurale (ZRR) le 1er juillet dernier. Sans ce classement en ZRR, c’en est fini des exonérations d’impôts dont aurait pu profiter le médecin. « On est très déçu, reconnaît Jean-Louis Viliani, le maire quelque peu fataliste. Maintenant on repart de zéro. »
L’initiative de la mairie avait pourtant porté ses fruits. Le clip vidéo diffusé en novembre 2016 avait attiré l’attention de quelques candidats à l’installation, dont celle de ce généraliste belge. Ce dernier avait entrepris toutes les démarches pour passer la frontière, avant finalement de faire marche arrière. Les autres candidats n’ont pas donné satisfaction. Le maire ne cache pas son amertume. « Pour certains, on voyait bien que ce qui les intéressait avant tout, c’était les avantages qu’on pouvait leur accorder ! Ils me disaient : "Cette commune me fait ça, et vous ?" », raconte l’élu, désabusé par la démarche de certains « mercenaires ». Il place maintenant son espoir dans la maison de santé en construction, qui abritera deux cabinets. « Elle sera terminée fin 2018. On espère que ce sera un atout pour faire venir des médecins. Mais si on n’y arrive pas, la mairie a prévu de reprendre ces locaux. C’était la condition pour que le projet voie le jour. »
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