Cabinet refait à neuf, loyer gratuit, secrétariat, voiture de fonction, logement… Les communes touchées par la désertification médicale ne reculent devant (presque) rien pour attirer les médecins généralistes. Au point, parfois, de se tirer dans les pattes.
C’est apparemment ce qui s’est passé dans deux villages de la Sarthe au cours des derniers mois. L’histoire de ce « mercato des médecins », relayée par la presse locale, a attiré l’attention d’un généraliste du cru, qui l’a signalé au « Quotidien ».
Tout commence en 2013 lorsque le Dr D., en provenance de Roumanie, s’installe à Mayet, commune de 3 200 habitants située à une trentaine de kilomètres du Mans.
Trois ans plus tard, au mois de juin 2016, la généraliste plie brusquement bagages pour s’installer dans le village d’à côté, à Laigné-en-Belin (2 400 habitants), distant d’une quinzaine de kilomètres seulement. Il faut dire que la mairie lui propose des conditions avantageuses, comme le rapporte « Le Maine libre » : cabinet refait à neuf gratuitement, charges et loyer offerts pendant 5 ans ! Elle y rejoint une consœur, roumaine également.
Six mois et puis s'en va
Tout va bien jusqu’à la semaine dernière. À la surprise générale, le Dr D. annonce son départ au 15 décembre, six mois seulement après son installation !
Joint par « le Quotidien », le médecin n’a pas souhaité s’exprimer. Mais son entourage justifie ce départ précipité par une patientèle insuffisante. Les habitants de Laigné-en-Belin semblent la bouder et ses anciens patients de Mayet, ne font plus le déplacement.
C’est qu’entre-temps, ce village s’est trouvé un nouveau médecin, une généraliste roumaine… débauchée dans la Haute-Vienne où elle s’était installée peu de temps avant, en juillet 2015. Pourquoi avoir quitté la région aussi vite ? À la presse locale, l’intéressée explique « venir ici [à Mayet] pour la structure de la maison de santé ».
« Médecins mercenaires » ?
Ces cas de « débauchages sauvages » ne sont pas isolés. Au mois de juin dernier, « le Quotidien » évoquait un cas similaire, dans le Tarn. Et les exemples ne manquent pas dans la presse régionale. Faut-il accuser ces « médecins mercenaires », qui n’hésitent pas à délaisser leur patientèle pour bénéficier de quelques avantages ?
Le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, y voit plutôt une conséquence de la politique des maires. « Je ne veux pas faire leur procès. Mais il faut qu’ils arrêtent de penser que c’est en offrant aux médecins une prime et des locaux luxueux qu’ils les garderont », explique le généraliste des Hauts-de-Seine.
Selon lui, le problème est celui de l’attractivité de l’exercice libéral : « Si vous n’offrez pas des conditions qui correspondent aux attentes des médecins d’aujourd’hui, ils ne resteront pas. » Travail en groupe, horaires compatibles avec une vie de famille, choix de participer ou non à la permanence des soins… Les généralistes ne veulent plus être corvéables à merci 7j/7, 24h/24, explique-t-il.
Une époque révolue
« Les maires s’imaginent qu’il faut un ou deux médecins dans chaque village de France. Mais ce temps est révolu. Si un médecin s’installe et qu’il s’aperçoit au bout de six mois qu’il n’a pas la patientèle, il partira », ajoute le Dr Hamon.
À Laigné-en-Belin, les patients ont visiblement appris à vivre avec un seul médecin, poussant au départ le Dr D., malgré les conditions financières très avantageuses. La généraliste va donc quitter la région. Pas de quoi s’inquiéter pour autant, « elle a reçu plusieurs offres », assure son entourage au « Quotidien ». Le mercato médical n'est pas fini...
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