Huit syndicats sont en compétition dans le cadre des élections aux URPS chez les médecins libéraux (31 mars au 7 avril). « Le Quotidien » interroge chaque leader jusqu'à ce scrutin, décisif pour mesurer l'audience. La nouvelle union syndicale constituée par Avenir Spé (scission de la CSMF) et Le BLOC (implanté chez les praticiens sur plateaux techniques) défend sans concession la place des spécialistes libéraux, leur accès direct, leur indépendance et la valorisation de leur expertise avec un tarif de base à 50 euros. Entretien croisé.
LE QUOTIDIEN : Quels sont vos objectifs dans le collège désormais unique des spécialistes ?
Dr PHILIPPE CUQ (co-président du BLOC) : Nous avons un but : que l'union syndicale Avenir Spé - Le BLOC devienne le plus gros syndicat représentatif des spécialistes libéraux au niveau national, pour peser dans les négociations conventionnelles. Les spécialistes auront deux choix, celui de voter pour une centrale polycatégorielle ou pour un syndicat de spécialistes exclusivement. Nous avons l'expérience pour atteindre cet objectif – Le BLOC avait fait près de 70 % des voix en 2015 dans le seul collège des plateaux techniques [chirurgiens, anesthésistes et gynécologues-obstétriciens]. La médecine moderne a des spécificités : l'exercice d'un généraliste n'a rien à voir avec celui d'un gynécologue ou d'un anesthésiste.
Dr PATRICK GASSER (Avenir Spé) : Nous voulons arriver en tête chez les spécialistes et souhaitons, avec la fusion des deux collèges, que tous se reconnaissent dans cette union syndicale. Arrêtons la balkanisation des syndicats médicaux ! Après les élections, le principal enjeu sera de construire une nouvelle convention médicale où il y aura une meilleure reconnaissance de l'ensemble des spécialistes. La dernière convention a été très bien pour la médecine générale, mais maintenant nous devons obtenir l'affirmation véritable de notre place et de notre expertise. Le tarif de base de la consultation spécialisée doit évoluer pour rattraper la moyenne européenne, à 50 euros environ, avec des majorations selon sa complexité.
Quelles priorités défendez-vous pour les spécialistes ?
Dr CUQ : L'un des points fondamentaux, c'est la problématique des secteurs d'exercice. La réforme du troisième cycle va modifier les titres pour accéder au secteur II. La première chose à garantir, c'est l'accès pérenne au secteur II pour les jeunes qui vont s'installer – les « docteurs juniors » – car ce sont nos futurs associés et successeurs. Un autre sujet capital est de définir pour le secteur I un espace de liberté tarifaire, indispensable pour les spécialités cliniques mal loties, comme la pédiatrie ou l'endocrinologie. Il faudra aussi défendre la valeur réelle de nos actes dans la future réforme de la nomenclature.
Dr GASSER : L'attractivité et la pérennité de la médecine spécialisée libérale sont en jeu ! Parmi les autres points que nous défendrons, il y a la révision des contrats d’exercice dans le secteur privé – qui n’ont pas bougé depuis des décennies – et qui doivent être compatibles avec un renforcement de notre indépendance professionnelle face à la pression des groupes, et de notre équilibre économique. Il faut aussi imposer une redevance médicale juste et transparente, la garantie d'un accès rapide à l'innovation thérapeutique et une revalorisation nationale des tarifs de la permanence des soins en établissements de santé (PDSES).
Les spécialistes doivent également être au cœur des actions structurantes pour organiser la santé dans les territoires de santé. Il faut renforcer leur place dans le parcours de soins : le patient atteint d'une pathologie chronique doit pouvoir consulter son médecin spécialiste sans passer par le généraliste ! Les prises en charge sont de plus en plus complexes, pourquoi un insuffisant cardiaque ne pourrait-il pas choisir son cardiologue comme médecin traitant ? Il faut remettre en cause la loi de 2004 sur le parcours de soins et le médecin traitant.
Pourquoi voter pour Avenir Spé - le BLOC ?
Dr CUQ : Voter pour nous, c'est la seule façon de défendre vraiment les spécialistes ! Quand on est autour de la table de négociations avec la CNAM, il y a d'un côté les généralistes et de l'autre les spécialistes, et les centrales polycatégorielles sont toujours en train de faire le grand écart entre les revendications des uns et des autres. Là, pour la première fois, les médecins auront devant eux un grand syndicat uni de spécialistes, qui saura affronter les tutelles, résister, combattre et proposer des solutions concrètes pour les spécialistes libéraux. Si nous remportons largement cette élection, nous serons la force incontournable et les seuls à être dédiés uniquement à la défense des spécialistes. Il ne s'agit donc pas de disperser nos voix !
Dr GASSER : Nous saurons fédérer l'ensemble des spécialistes autour d'un seul et unique syndicat, qui ne répondra que pour la médecine spécialisée. Il n'est pas question de s'opposer à la médecine générale, c'est un vieux combat terminé ! En revanche, il faut que nous puissions exister et peser dans l'organisation de la santé de demain. Enfin, nous sommes aussi un syndicat de services pour accompagner nos collègues au quotidien sur le terrain – ce que devraient faire les URPS – par exemple sur la comptabilité, la réflexion numérique ou encore l'utilisation des données de santé.
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