Voilà une nouvelle initiative sénatoriale qui risque de faire hurler la profession. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a décidé de prendre à bras-le-corps la question des déserts médicaux en ressortant une mesure musclée à laquelle les médecins libéraux ont jusque-là échappé : le conventionnement sélectif dans les zones surdotées.
Elle vient ainsi d’adopter à l’unanimité de ses membres un article additionnel à la loi de santé (après l’article 12 TER sur les déserts médicaux) qui instaure ce mécanisme de conventionnement sélectif pour les médecins, suivant le principe « une installation pour un départ » dans les zones surmédicalisées. La commission fait valoir que ce type de régulation existe déjà « pour la plupart des professions de santé », citant « les infirmiers, sages-femmes, orthophonistes et chirurgiens-dentistes ».
Selon le texte de cet article additionnel dont « le Quotidien » a eu copie, le conventionnement à l’Assurance-maladie d’un médecin libéral ne pourrait désormais intervenir « qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans la même zone ». Cette méthode de régulation s’appliquerait dans les zones fortement excédentaires définies par les agences régionales de santé (ARS) en concertation avec les syndicats de médecins libéraux représentatifs. Les modalités de ce conventionnement sélectif seraient précisées par décret.
« Les mesurettes », c’est terminé
Cette initiative autoritaire de la Haute Assemblée n’est pas vraiment une surprise. Elle est portée notamment par le tenace sénateur de l’Eure Hervé Maurey (UDI-UC), président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui s’était déjà illustré en février 2013 par un rapport décoiffant pour combattre la désertification. Plusieurs mesures musclées étaient alors au menu : conventionnement sélectif selon la densité, obligation pour les jeunes spécialistes à aller exercer pendant deux ans dans un hôpital désigné par l’ARS, création dans chaque département de commissions de la démographie...
Deux ans et demi plus tard, le sénateur persiste et signe. « Les dispositifs de conventionnement sélectif ont largement fait leurs preuves, a-t-il assuré ce jeudi au Sénat lors d’un point presse, évoquant en particulier les bons résultats du mécanisme infirmier. Il n’y a que pour les médecins qu’il n’existe pas ! Si on ne le fait pas, il y aura un jour des drames de santé publique. Le but, ce n’est pas de satisfaire les médecins mais l’intérêt général. Il est temps d’arrêter les mesurettes et d’aller plus loin... ».
Explosif
Rapporteur pour avis du projet de loi de santé, le sénateur centriste Jean-François Longeot enfonce le clou. « Les mesures incitatives du pacte territoire-santé de Marisol Touraine ne sont pas inutiles mais très insuffisantes, souligne l’élu du Doubs. Il existe des écarts de densité de un à quatre entre l’Eure et Paris. L’exode médical s’aggrave. La liberté d’installation sacralisée n’est pas compatible avec l’aménagement du territoire. Il est grand temps d’arrêter de céder au lobby des médecins et d’écouter ce que disent les gens. »
Le ton est donné. Même si les sénateurs se défendent de vouloir supprimer formellement la liberté d’installation, le mécanisme de conventionnement sélectif aboutirait à remettre en cause ce pilier de la médecine libérale.
Y aura-t-il une majorité au Sénat pour voter cette réforme explosive ? Marisol Touraine devrait s’y opposer mais les débats au sein de la Haute Assemblée réservent parfois des surprises aux médecins. Hervé Maurey sait que le sujet est « conflictuel » mais reste droit dans ses bottes : « L’incitatif depuis 25 ans, ça ne marche pas. »
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