Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie (HCAAM) prône une nouvelle organisation des médecins spécialistes (tous modes d'exercice), estimant qu'il s'agit d'un « chantier prioritaire », dans un avis adopté à l'unanimité rendu public ce mardi.
L'instance de réflexion, qui propose des pistes d'évolution des politiques d'assurance-maladie, recommande de revoir en profondeur la formation initiale des futurs spécialistes mais aussi de repenser leur rôle dans les territoires, en particulier pour le suivi des pathologies chroniques.
Plus nombreux, moins bien répartis
De plus en plus nombreux (120 000, +44 % en 25 ans), et de plus en plus spécialisés (44 disciplines à la rentrée contre sept exclusives en 1947), les médecins spécialistes sont surtout davantage regroupés dans les grands centres urbains… « La concentration des équipements nécessaires à l'activité de certaines spécialités (plateaux techniques coûteux), la spécialisation croissante, les aspirations des professionnels en termes de modes de vie, le cursus de formation et le post-internat renforcent l'attraction des villes sièges de CHU », souligne le HCAAM. « Pour de nombreux territoires, il existe à moyen terme un risque de déstabilisation de l'offre, de creusement des inégalités d'accès entre territoires et d'allongement des délais d'obtention de rendez-vous ».
Le HCAAM observe que l'offre libérale est particulièrement faible dans les secteurs où les consultations externes à l'hôpital le sont également.
Ouvrir la formation hors des CHU
Afin d'inverser la tendance, le Haut conseil préconise de diversifier le profil sociologique des étudiants, de renforcer l'acquisition des compétences relationnelles et des capacités de travail en équipe, de doper l'accueil des internes hors de l'hôpital universitaire (en CHG, établissements d'hospitalisation à domicile, maisons, pôles et centres de santé, cabinets de ville…).
La sécurisation du début de carrière à l'hôpital est érigée en priorité. En guise de simplification, le Haut conseil suggère de créer un nouveau « statut de médecin des hôpitaux », qui garantirait l'accès à un statut pérenne en CDI au bout d'une période probatoire de deux ans.
Il propose aussi de faciliter l'évolution professionnelle en permettant de changer de spécialité en cours de carrière et de revenir sur le principe d'exercice exclusif en fonction des spécialités.
Des réseaux sur le terrain
La constitution de « réseaux professionnels de coopération stables et visibles » permettrait d'améliorer l'organisation des soins sur le territoire, estiment les auteurs. Ils citent la possibilité de confier aux spécialistes de nouveaux services et missions (en matière de prévention, gestion des effets secondaires…). Ces actions pourraient s'inscrire dans le cadre des nouvelles communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et associer médecins de ville et hospitaliers pour lesquels les rôles seraient mieux définis.
Présentant plusieurs exemples étrangers d'organisation de services de médecine spécialisée de proximité (les MVZ en Allemagne, les Accordable care organizations aux États-Unis…), le HCAAM encourage le regroupement des spécialistes autour d'une discipline ou d'une pathologie (diabète, cancer…). Selon le rapport, cela permettrait de faciliter le parcours du patient, la contractualisation entre les différents acteurs, la permanence des soins ou la gestion des urgences.
Ces regroupements pourraient reposer sur de « nouveaux modes de financement » mais le Haut conseil ne précise pas selon quelles modalités. Ce rapport sera suivi d'autres sur le modèle économique des regroupements de médecins spécialistes et la question des dépassements d'honoraires.
L'UMESPE-CSMF veut aller plus loin
Interrogé par « le Quotidien », le Dr Patrick Gasser, président de l'Union des médecins spécialistes confédérés (UMESPE-CSMF), estime que ce rapport est « une entrée en matière ». « Il faut aller plus loin dans l'organisation de la médecine spécialisée ambulatoire, affirme le leader syndical. Non, il ne faut pas, comme le laisse entendre la ministre laisser les hôpitaux se structurer pour organiser l'ambulatoire. »
Pour la profession, la meilleure répartition des spécialistes est un enjeu considérable. « On n'aura pas de généralistes sur un territoire si celui-ci ne compte pas de spécialistes », résume le Dr Gasser. Le patron de l'UMESPE déplore la « timidité du HCAAM » sur les rémunérations. Dans son récent projet, le syndicat s'est dit favorable à la « rémunération à l'épisode de soins », plus adapté que le paiement à l'acte pour la prise en charge de pathologies chroniques.
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