LA COLÈRE FAIT tâche d’huile. Après les internes et les infirmières, c’est au tour des médecins du travail de manifester des signes d’agacement. Il y a ce projet de réforme de leur secteur, laborieux. Et leurs réquisitions, massives dans certains départements d’Ile-de-France depuis huit jours. La goutte de trop. « Tout le dispositif de vaccination contre la grippe H1N1 repose sur nous alors que d’habitude on se fiche bien de nous. Là tout à coup, on nous trouve, on existe. Dans ce cas, qu’on le dise clairement. Or la ministre de la Santé jamais ne parle de nous. On se sent comme des travailleurs clandestins », déplore le Dr Martine Favot.
Mercredi, à l’occasion d’une session de FMC à Paris, le sujet est sur toutes les lèvres. L’incompréhension prédomine. « Depuis vendredi, reprend le Dr Favot, les cent médecins du travail de Seine-Saint-Denis sont sur le pont. On est d’accord pour participer à la vaccination, mais la France n’est pas en train de mourir sur le trottoir. Pourquoi cette précipitation, et cette désorganisation totale ? » Une autre : « En Essonne, les réquisitions tombent n’importe comment. Depuis vendredi dernier, j’enchaîne. Le 31 décembre, je suis réquisitionnée jusqu’à 22 h 30. Qui sera l’imbécile à venir se faire vacciner à cette heure-là un tel jour ? »
Le Dr Ai Dang Vu juge les moyens disproportionnés : « Hier, nous étions trente personnes réquisitionnées à Aulnay, et en cinq heures, nous avons vacciné quinze personnes. » Surtout, il ne comprend pas le pourquoi d’un tel recours massif aux médecins du travail. « Il y a vingt fois plus de médecins libéraux que de médecins du travail, c’est de la discrimination », dit-il.
Le Dr Jean-Michel Sterdyniak enfonce le clou : « Soit la crise est grave, et tous les médecins sont sur le pont. Soit rien de grave, et alors il n’y a pas de raison que les médecins salariés (médecins du travail, médecins de PMI, médecins de l’URSSAF, etc.) en fassent les frais. Les conditions de la réquisition actuelle sont inadmissibles, l’opacité est totale, et la concertation, inexistante. C’est du jamais vu depuis le régime de Vichy ». La référence est un peu lourde, le propos se recentre sur des considérations plus pragmatiques. Le Dr Sterdyniak liste les questions sans réponse : « Nous sommes des salariés de droit privé, certains de nos employeurs menacent de ne pas nous payer pendant nos absences. Serons-nous payés, par qui, et quand ? Que deviennent nos congés et nos obligations réglementaires (visites des salariés et des entreprises) ? La situation actuelle ne justifie pas l’abandon de la prévention de la santé des travailleurs ».
Un point positif, malgré tout. « La situation nous donne du pouvoir, là où d’habitude on ne pèse rien, estime le Dr Sterdyniak . Si on décide tous ensemble de refuser les réquisitions, on bloque tous les centres qui tournent grâce à nous ». La peine encourue se monte à 3 750 euros.
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