Près d’une semaine après les attentats, l’heure est toujours au recueillement et à l’unité nationale. En début de semaine, François Hollande a prolongé de trois mois l’état d’urgence et a annoncé une révision de la Constitution pour l’adapter au « terrorisme de guerre ».
Les syndicats de médecins libéraux, engagés dans un bras de fer avec Marisol Touraine, ont immédiatement pris la mesure des événements tragiques. Ils ont cessé sans condition leur mouvement de grève. La CSMF, la FMF, MG France, le SML et Le BLOC, mais aussi l’UFML, se sont accordés sur la nécessité absolue de temporiser. « Il était impossible, par respect et par pudeur, de poursuivre ce mouvement », résume le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Le rassemblement des médecins qui était prévu lundi dernier aux Invalides n’a évidemment pas eu lieu...
Pour autant, les organisations qui avaient fortement mobilisé lors de la journée de grève libérale du vendredi 13 novembre refusent d’abandonner ce combat contre une loi qui n’a pas disparu. Et se sentent piégés. « Nous avons suspendu le mouvement sans conditions, on aurait aimé que le gouvernement suspende l’examen de la loi, explique le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Ça aurait été un premier pas vers le dialogue ».
L’Élysée sollicité
Les syndicats ont multiplié les contacts avec l’Élysée, Matignon et Ségur afin d’obtenir un moratoire sur le calendrier législatif, se disant prêts à « revenir à la table de la grande conférence de santé » (le 11 février). Les libéraux (médecins et paramédicaux) réunis au sein du Mouvement pour la santé de tous ont sollicité François Hollande en ce sens.
Cette requête des professionnels de santé en colère – le report de l’examen du projet de loi en 2016 – a été explicitement relayée mardi dans l’Hémicycle par Jean-Pierre Door, député (LR) du Loiret (lire ci-dessous). Mais Marisol Touraine a botté en touche. « Je suis certaine qu’au moment où ce texte sera débattu (aujourd’hui, NDLR), nous aurons tous à l’esprit et au cœur le formidable engagement des professionnels de santé, en particulier dans nos hôpitaux, pour faire en sorte que la tragédie que nous avons connue ne se redouble pas d’une tragédie sanitaire ». Sur les réseaux sociaux, de nombreux médecins de ville ont ressenti cette réponse comme une forme de « provocation », une marque de « mépris ».
Suspension du droit de manifester
Les syndicats protestataires se trouvent dans une situation délicate, réduits au silence (ou presque) à un moment stratégique. « Cela fait deux fois que notre mouvement est flingué par les djihadistes », lâche, très amer, le leader d’une centrale. De fait, le 7 janvier déjà, les chirurgiens avaient été contraints de lever leur arrêt d’activité après l’attaque contre Charlie Hebdo.
Est-ce le coup d’arrêt définitif à la contestation anti-loi de santé ? L’état d’urgence prolongé jusqu’à fin février permet aux préfets d’interdire les rassemblements publics. « Nous nous trouvons actuellement privés de tous moyens d’expression. Le droit de manifester est suspendu », insiste le Mouvement pour la santé de tous.
« À court terme, il serait indécent que les médecins libéraux poursuivent leurs revendications corporatistes, ils ont intérêt à ne pas faire trop de bruit », commente un ex-responsable de la communication d’un syndicat médical. Quant aux internes, ils se sont déjà désolidarisés de leurs aînés depuis quelques semaines.
Dans une tribune, un ancien président de MG France invite les libéraux à mettre un terme définitif à la grève, dénonçant leur « inanité ». « La grève des soins n’est pas un mode d’action (...), affirme le Dr Martial Olivier-Koehret. Le repli sur soi et le corporatisme ne sont plus de mise, les soignants doivent soigner les malades. »
D’aucuns gardent l’espoir. « ll y a tous les ingrédients pour sortir de cette impasse politique », veut croire le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC.
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