Conquête identitaire pour les généralistes, le passage de la consultation de référence à 25 euros en mai 2017 restera comme « le » marqueur de la convention 2016 qui régira pour cinq ans les relations entre l'assurance-maladie et les praticiens libéraux. Mais le compromis signé par MG France, Le BLOC et la FMF mérite un éclairage plus large.
Sur le fond, la nouvelle convention n'a pas le caractère aussi ambitieux et structurant que le prétendent la CNAM et le gouvernement en saluant l'incarnation du virage ambulatoire. Il n'en reste pas moins que ce compromis innove à plusieurs titres, souvent en reprenant des projets portés par les syndicats eux-mêmes.
Un paquet financier significatif mais…
Il en va ainsi de l'ébauche – après des années de promesses non tenues – de la refonte des consultations à travers la nouvelle grille tarifaire à quatre niveaux (lire ci-dessous), un projet que la CSMF a largement inspiré même si elle juge qu'il a été dénaturé. Il en va aussi de la nouvelle étape dans la diversification des modes de rémunération avec le consensuel forfait structure ouvert à tous (4 620 euros par an et par médecin en 2019) et le forfait patientèle unique pour les médecins traitants, sans doute plus lisible que les cotations en vigueur, et surtout indexé sur la patientèle comme le réclamait de longue date MG France.
D'un point de vue financier, le « paquet global » se révèle significatif dans un contexte contraint, ce que reconnaissent la quasi-totalité des syndicats en privé. En mettant sur la table in fine une enveloppe de 1,3 milliard d'euros par an en régime de croisière, dont 980 millions pour le seul régime obligatoire, la Sécu a obtenu du gouvernement les marges nécessaires pour cocher plusieurs cases : consultations coordonnées à 30 euros, majorations ciblées pour les pédiatres, psychiatres et cardiologues, hausse progressive du C2 de consultant, nouvelles consultations complexes, de prévention ou d'urgence bonifiées, mesures catégorielles pour les plateaux techniques lourds, aides plus attractives à l'installation… Même si le calendrier est étalé, les avancées sont réelles.
Un accord sur une base étroite
Malgré cet investissement, le directeur de l'assurance-maladie a joué serré pour tirer son épingle du jeu dans un contexte conflictuel. Sa méthode, risquée, a payé sur le fil. Premier acte : Nicolas Revel a assumé le déséquilibre entre les mesures pour la médecine générale, ultraprioritaire (près des trois quarts de l'enveloppe), et les autres spécialités. Avec la hausse de la consultation en une seule fois, ce discours a permis de s'assurer la signature de MG France (31,3 % des voix généralistes), syndicat conforté par cette séquence.
Deuxième étape : en négociant « en bilatérale » avec Le BLOC, le patron de la Sécu a obtenu le paraphe stratégique d'un syndicat devenu incontournable dans les disciplines sur plateaux techniques lourds (66,8 % des voix dans ce collège). Contrairement à la dernière convention, cette organisation a jugé que le texte final contenait des « mesures spécifiques significatives » pour les spécialistes du bloc opératoire – dont la revalorisation d’actes de chirurgie et d’anesthésie. Des avancées qu'il convenait d'acter sans délai d'autant que le secteur II n'a pas été directement remis en cause. Pour Le BLOC, c'était surtout l'opportunité d'entrer enfin dans le jeu conventionnel.
Restait à arracher une troisième signature, indispensable pour valider la convention. Le sésame est venu de la FMF, à la faveur, là encore, d'une négociation discrète et d'un coup tactique de son président Jean-Paul Hamon (lire aussi page 3). En coupant l'herbe sous le pied de la CSMF et du SML, qui se prononçaient quelques jours plus tard, le patron de la FMF s'est replacé au centre du jeu, tout en respectant le choix serré de ses adhérents. Ironie de l'histoire : c'est la centrale polycatégorielle la plus sévère vis-à-vis de la CNAM et du gouvernement qui aura permis de valider la convention 2016…
Paradoxalement, pour la CSMF – dont la puissante branche spécialiste a massivement rejeté la convention – comme pour le SML – qui n'a cessé de dénoncé les attaques contre le secteur II – la position « en dehors » n'est pas si inconfortable au moment où se décline la loi de santé et le tiers payant généralisé. Non seulement ces deux organisations ont pris date en se démarquant des signataires mais ils pourront toujours rejoindre la convention en cas d'alternance politique ou de vents plus porteurs pour la médecine libérale.
Voir notre dossier « La convention de A à Z »
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