Le Dr A. ne réalisera pas son rêve. Pendant ses études de médecine, ce généraliste trentenaire n’envisageait pas d’exercer son métier autrement qu’en s’installant. Mais après deux ans de remplacement à travers toute la France, en zones rurales et en ville, il y a renoncé, rebuté par les conditions d’exercice libéral qu’il a découvertes depuis ses stages d’internat.
Le jeune médecin s’en explique dans un long courrier qu’il adresse à la ministre de la Santé, le Pr Agnès Buzyn (voir ci-dessous). Dans ce texte, qu’il a fait parvenir au « Quotidien », il détaille les raisons profondes de son renoncement (au contraire de certains jeunes confrères qui ont franchi le pas de l’installation ici ou ici).
« J’ai le sentiment que les gens qui nous gouvernent ne nous entendent pas. Dans cette lettre, j’ai souhaité leur expliquer ce que ressent la base, et une grande majorité des confrères que je côtoie sur le terrain », raconte le Dr A. qui a choisi de conserver l’anonymat.
« Le C à 25 euros ? C'est une blague »
Rémunération inférieure à celle des confrères européens, « matraquage fiscal », « harcèlement administratif », « doc-bashing »… Le Dr A. égrène dans sa lettre ouverte les principales raisons qui selon lui conduisent les jeunes médecins à déserter l’exercice libéral, trop peu gratifiant.
Les instances professionnelles ne portent pas suffisamment ses revendications, estime-t-il. « Les syndicats crient victoire quand le C passe à 25 euros. Mais c’est une blague ! La moyenne européenne est à 45 euros », s’agace-t-il. Le médecin s’irrite également du discours convenu sur l’augmentation du numerus clausus et sur les maisons de santé pluridisciplinaire que le gouvernement promet de multiplier. « Elles resteront vides tant que les conditions d’exercice ne seront pas améliorées, répond le généraliste. Ce n’est pas ça qui va faire revenir les jeunes vers l’installation. »
Avec le tiers payant, « on en remet un coup sur la tête des confrères »
L’arrivée d’un nouveau gouvernement avait pourtant ravivé la flamme de l’espoir. « Mais je vois que rien ne change, regrette le Dr A. J’espérais que la nouvelle ministre plierait rapidement la question du tiers payant généralisé. Je ne suis pas contre cette mesure fondamentalement. Mais c’est impossible de la mettre en œuvre actuellement sans alourdir le travail administratif des médecins ! » Le généraliste a une fois encore le sentiment de ne pas être écouté sur ce dossier et qu’on « en remet un coup sur la tête des confrères ».
Comment envisage-t-il son avenir ? « Je vais continuer à faire des remplacements mais je pense très sérieusement à m’expatrier », répond le jeune homme certes désabusé, mais qui n’a pas perdu tout espoir d’inverser la tendance. « Cette lettre ouverte, c’est ma manière d’apporter ma pierre à l’édifice, de contribuer à réveiller les consciences », conclut-il.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique