Le Dr Gilles Bontemps n’aura pas goûté très longtemps sa retraite. Un an et demi après avoir dévissé, le généraliste de 67 ans a choisi de rempiler au sein du nouveau centre communal de santé de Saumur (Maine-et-Loire). Depuis le 5 novembre, il y exerce un jour par semaine, aux côtés de plusieurs confrères, également retraités, pour pallier le manque de médecins dans une région menacée de désertification médicale. Il livre au « Quotidien » les raisons qui l’ont poussé à sortir de sa retraite et à choisir le salariat plutôt que les remplacements.
« LE QUOTIDIEN » : Vous avez pris votre retraite après avoir exercé en cabinet libéral pendant 39 ans dans la région de Saumur, à Rosiers-sur-Loire. Pourquoi avez-vous décidé de reprendre du service avec plusieurs de vos confrères ?
DR GILLES BONTEMPS : Nous sommes un certain nombre de généralistes retraités très préoccupés par la situation à Saumur et dans la région. Le nombre de médecins baisse. Cela va s’aggraver avec le départ en retraite de nombreux confrères qui n’auront pas de successeur. On estime qu’il y a plus de 8 000 patients sans médecin traitant, 4 000 rien que sur la ville de Saumur. Il fallait trouver une solution d’urgence pour enrayer ce phénomène de désertification inquiétant et améliorer l’accès aux soins des habitants.
Comment est né ce nouveau centre de santé qui emploie des retraités ?
Cela fait près d’un an que nous y réfléchissions. On s’est inspiré d’une initiative à Laval où des médecins retraités et des internes se relaient pour assurer les consultations. On en a parlé avec le maire et la communauté d’agglomération Saumur Val-de-Loire (CCAS). Ça a fait tilt. À terme, nous serons dix généralistes retraités à travailler dans le centre, en duo, une fois par semaine. C’est le CCAS qui prend en charge nos salaires et celui d'une secrétaire médicale. On accueille également deux internes en stage.
Vous n’avez pas hésité à quitter votre retraite ?
J’ai fermé mon cabinet il y a près d’un an et demi. La retraite… au début, on est content, on profite… Et puis ensuite, on est un peu en manque ! La médecine m’a occupé avec passion pendant près de 40 ans. Ce n’est pas facile de couper les ponts. Et puis, on se dit qu’on peut encore être utile, compte tenu de la pénurie de médecins dans la région. Je n’aurais pas le même rythme de travail qu’avant. Un jour par semaine, ça n’a rien à voir avec ce que je faisais dans mon cabinet. Par ailleurs, je suis libéré de toutes les tâches administratives non médicales. Ce n’est pas rien !
Financièrement, vous vous y retrouvez ?
Nous sommes retraités et nous touchons notre retraite. Mais l’argent n’est pas une motivation, c’est tout à fait secondaire dans ce projet. Bien sûr, je ne dis pas que nous travaillerions pour rien. On sera payé en partie en fonction du nombre d’actes que nous ferons. Au début, on table sur une dizaine d’actes. À terme, ce sera 15 puis 20. Le salariat, c’est intéressant parce que nous n’avons pas de cotisations CARMF et URSSAF. Ça ne serait pas le cas si on avait choisi de faire des remplacements.
Comment vos confrères installés voient-ils cette initiative ? Ont-ils peur d’une nouvelle concurrence ?
C’était notre crainte. On a organisé une réunion avec tous les médecins de Saumur. Ils nous ont dit qu’ils étaient très satisfaits. Eux-mêmes étant en surcharge de travail, ils ne peuvent pas répondre à toutes les demandes de patients et cela leur pose évidemment un problème. Le but du centre de santé est de prendre en charge les patients sans médecin traitant, ceux dont le généraliste est en congé, ou dans l’impossibilité de les prendre. On va récupérer beaucoup de patients qui s’adressaient aux urgences pour toutes ces raisons. Donc, globalement, nos confrères voient d’un bon œil la création du centre. On a bien eu quelques remarques négatives, mais de la part de gens qui n’étaient pas venus à cette réunion !
Faire travailler des retraités… N’est-ce pas repousser le problème à plus tard ?
Bien sûr, ce n’est qu’une solution de transition, pour parer à l’urgence. On espère que ça fera un appel d’air. Nous avons deux maîtres de stage qui encadrent des internes au centre. On a bon espoir de parvenir à les convaincre de s’installer. Notre but, c’est de faire la jonction avec la création d’une maison médicale pluridisciplinaire qui est en projet à Saumur qui offrira des conditions d’exercice auxquelles les jeunes aspirent aujourd’hui. La ville réfléchit aussi à la possibilité de salarier des médecins.
Et vous-même, combien de temps êtes-vous prêt à prolonger votre exercice ?
Le centre de santé a un engagement de 5 ans avec la CPAM. Moi, je me vois bien encore travailler 3 ans. Après, je ne sais pas… on verra. On n’est pas éternel. D’autres retraités viendront peut-être prendre le relais.
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