L'assurance-maladie et les complémentaires santé (mutuelles, assureurs et institutions de prévoyance) avaient promis aux médecins libéraux la mise en place de solutions techniques simples et sécurisées permettant la mise en place du tiers payant généralisé. Dans leur rapport commun de février 2016, ils assuraient qu'« aucun risque financier » ne pèserait sur le professionnel, promettaient un « paiement rapide » et un « dispositif simple », grâce à des services intégrés au logiciel métier.
Las, une récente réunion organisée par l'association des complémentaires (qui réunit les trois familles du secteur) n'a nullement permis de lever les doutes. La profession redoute plus que jamais un système chronophage et contraignant pour les médecins qui décideraient de pratiquer le tiers payant intégral (part couverte par le régime obligatoire et part complémentaire).
Depuis la censure du Conseil constitutionnel en effet, la part complémentaire reste facultative, la loi imposant aux professionnels d'appliquer le tiers payant sur la seule part obligatoire à compter du 30 novembre 2017. Mais les complémentaires sont quand même tenus par la réglementation sur les contrats responsables de présenter, à compter du 1er janvier 2017, un système opérationnel permettant aux médecins qui le souhaitent de pratiquer la dispense de frais sur la part complémentaire (6,90 euros pour une consultation de base). Encore faut-il que ce système emporte l'adhésion des professionnels ! C'est loin d'être le cas.
Dérive bureaucratique
En pratique, l'association des complémentaires santé (qui réunit les trois familles du secteur) veut proposer aux médecins de signer un contrat individuel de 14 pages (!) définissant leurs obligations pour le tiers payant. « Le médecin devra ensuite saisir les données de chaque patient sur le portail IDB [identification des droits des bénéficiaires] avec sa couverture complémentaire annuelle, comparer avec la liste d'opposition aux droits, puis contrôler les paiements complémentaires reçus et réclamer éventuellement auprès de chaque organisme si nécessaire… », se désole le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF.
Les médecins devront également mettre à jour leur logiciel métier pour pouvoir utiliser le nouveau portail « à leurs frais », ajoute le leader syndical. « La mise en place de ce tiers payant sera suffisamment dissuasive pour qu'il ne se mette pas en place », résume le leader confédéral.
S'il présente un intérêt pour les grosses sommes réclamées dans le cadre d'une intervention à l'hôpital ou en clinique par exemple, ce système ne serait pas adapté à la pratique des médecins de ville, poursuit le Dr Ortiz, qui appelle une nouvelle fois les médecins à la désobéissance civile et à n'appliquer le tiers payant « que dans des contextes sociaux défavorisés qu'ils jugeront eux-mêmes ». « Le tiers payant généralisé reste une idée dogmatique et coûteuse, qui va encore aggraver la dérive bureaucratique de notre métier », conclut la CSMF.
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