La généralisation du tiers payant à l'horizon 2017 ne sera pas un long fleuve tranquille, comme l'a encore montré un débat organisé à Paris par l'Association des cadres de l'industrie pharmaceutique (ACIP).
Malgré leurs efforts, le directeur de la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris, Pierre Albertini, et le président de l'association des organismes complémentaires, Emmanuel Roux, ne sont pas parvenus à convaincre leur auditoire médical que la solution technique retenue pour étendre la dispense d'avance de frais serait simple et leur garantirait un paiement rapide et sécurisé.
Si le tiers payant intégral est déjà massivement pratiqué par 130 000 professionnels libéraux (pharmaciens, biologistes, kinés et infirmiers), il ne concerne que 30 % des actes des praticiens en secteur I (part AMO uniquement).
La question des garanties reste centrale. « Le tiers payant généralisé doit préserver le temps médical, assurer un paiement rapide (4 jours aujourd'hui pour les actes télétransmis), avec un suivi simple pour les professionnels de santé », résume Pierre Albertini. L'assurance-maladie s'est engagée à réduire les impayés (2 % des feuilles de soins). « Nous allons supprimer les rejets liés aux droits non à jour sur la carte Vitale ainsi que ceux liés au non-respect du parcours de soins », assure Pierre Albertini. De plus, « la généralisation de la norme Noémie 580 » par les payeurs (AMO et AMC) doit permettre un suivi détaillé et automatisé des factures, précise le président du GIE Sesam-Vitale.
Fiabiliser la facturation
Validant les craintes des médecins, le Conseil constitutionnel a laissé à leur appréciation l'application du tiers payant pour la part complémentaire. Mais selon Emmanuel Roux, directeur général de la Mutualité française, tout sera mis en œuvre pour que les mutuelles, assurances et institutions de prévoyance proposent le tiers payant intégral à partir du 1er janvier 2017, comme le stipule la réglementation sur les contrats responsables. « Nous sortons d'une phase politique pour entrer dans une phase industrielle concrète, veut croire Emmanuel Roux. Tout l'enjeu est de proposer une interopérabilité des différents systèmes de l'AMO et de l'AMC avec les professionnels de santé, à l'image de ce qu'ont fait les banques avec la carte bleue. »
L'assurance-maladie et les complémentaires ont prévu deux services distincts (ADR et IDB) pour permettre aux médecins de vérifier depuis leur logiciel métier les droits des patients et fiabiliser la facturation. Les « financeurs » ouvriront à Reims un centre d'assistance pour répondre par téléphone et par mail aux interrogations des professionnels.
Malgré ces engagements, les médecins restent, au mieux, méfiants. Un cardiologue estime que le TPG signe l'arrêt de mort de la médecine libérale. « Le but est de stigmatiser les honoraires libres », s'insurge un radiologue.
Conflits
Les syndicalistes se sont succédé pour rappeler leur hostilité à une réforme dont ils dénoncent le caractère idéologique. « La généralisation, c'est pour faciliter l'accès aux soins des habitants de Neuilly et du XVIe arrondissement ? », ironise l'ancien patron du SML, le Dr Roger Rua. « En juillet 2016, il ne se passera rien, observe le Dr François Wilthien, vice-président de MG France. Les patients en ALD et les maternités sont déjà pris en charge sans avance de frais. » Selon le Dr Pierre Lévy, ancien secrétaire général de la CSMF, la généralisation du tiers sera susceptible d'entraîner « des conflits entre le médecin et son patient ».
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