LA CONVENTION DE 2005 avait décliné la réforme du médecin traitant et des parcours de soins et enterré le médecin référent. Celle de 2011, qui régira l’exercice des praticiens libéraux pour cinq ans, est un texte complexe mais novateur à plusieurs titres qui devrait accélérer la réforme de la médecine libérale, tant sur le plan de la rémunération que des modes d’exercice.
En matière d’« affichage » d’abord, faire signer la CSMF, MG-France et le SML au bas de la même convention polycatégorielle (la séance officielle aura lieu demain), quelques mois après une violente campagne aux élections professionnelles, et qui plus est sans la moindre hausse du C à l’horizon, est une forme d’exploit réalisé par le patron de l’assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem.
Ce n’est pas un hasard si Xavier Bertrand a aussitôt salué « l’esprit de responsabilité » des partenaires autour d’un projet « respectueux de l’équilibre de nos finances sociales ». De fait, selon les éléments de chiffrage de la CNAM (voir encadré), cette convention représentera un coût limité (85 millions en 2012, 301 en 2013). C’est moins qu’en 2005, lorsque la facture globale dépassait 500 millions d’euros en année pleine.
Plusieurs facteurs ont joué : le contexte économique lourd, marqué par la crise des dettes souveraines, était moins propice à la surenchère tarifaire, comme l’ont montré les réactions des principaux leaders syndicaux tout au long du marathon final de 18 heures. « La Grèce est partout, et ici aussi », soupirait le président de la CSMF, Michel Chassang, avant de s’engager sur un texte « manquant de carburant mais porteur d’espoirs ». Quant au chef de MG-France, Claude Leicher, lui aussi mesuré, il saluait l’absence de « guerre idéologique », pour cette fois du moins, et les « éléments qui vont dans le bon sens pour valoriser la fonction de médecin traitant ».
Autre élément moteur : à douze mois d’une élection présidentielle, la profession a préféré s’engager aujourd’hui, pour cinq ans, sur des éléments maîtrisés de réforme de la médecine libérale plutôt que de subir demain des changements plus douloureux. Quel que soit le futur gouvernement issu des urnes, il lui sera difficile de remettre en cause des règles du jeu portées par une majorité de syndicats, qui représentent plus de sept médecins libéraux sur dix au regard des résultats des dernières élections aux URPS (la situation est différente chez les spécialistes de plateaux techniques où le syndicat majoritaire, Le BLOC, a refusé l’accord et parle d’esbrouffe).
Le CAPI « en mieux ».
Sur le fond, la convention défriche des voies nouvelles, potentiellement restructurantes, mais qui devront être acceptées sur le terrain. Ainsi la généralisation du P4P « à la française », remodelage du CAPI si décrié hier, avec un ambitieux système par points (1 300 pour 29 indicateurs), devra démontrer qu’il ne s’agit pas d’une usine à gaz. Les syndicats ont négocié pied à pied les items et la valeur du point.
Ce « soigner mieux pour gagner plus », selon l’expression imagée de notre confrère « Le Monde », dans son édition de vendredi dernier, est susceptible de procurer une prime maximale d’environ 9 000 euros par an pour un généraliste atteignant la totalité des objectifs (attention au miroir aux alouettes, la moyenne se situera plutôt autour de 4 500 euros par an). Les généralistes sont les premiers concernés par ces bonus variables mais l’extension progressive du P4P aux autres spécialités est acté. Pour la CNAM, le système a un avantage : il renvoie à 2013 le versement des primes et permet d’espérer un retour sur investissement (taux de génériques prescrits, hiérarchisation des prescriptions, hospitalisations évitées…), contrairement à la hausse unforme de la consultation.
S’agissant de la lutte contre les déserts médicaux, le projet répond fidèlement à la commande élyséenne de gestes d’apaisement, stratégie de réconciliation déjà à l’œuvre dans la récente loi Fourcade. Au moment où d’autres professions de santé libérales (infirmières, kinés) négocient des formes de régulation autoritaire de leurs installations, les médecins bénéficieront d’options incitatives (aides à l’activité, à l’investissement) pour visser leurs plaques en zones déficitaires, se regrouper en maison ou en pôle de santé, ou libérer du temps médical pour des confrères surchargés.
Timide rééquilibrage des revenus.
Le secteur optionnel renaît de ses cendres mais patientera encore. Pour ne pas compromettre toute la négociation conventionnelle, dont ce sujet est une des clés, il a fallu accorder un sursis aux complémentaires santé, toujours réticents à s’engager sur la solvabilisation des nouveaux dépassements autorisés. Du coup, le dossier est renvoyé à un avenant à la rentrée de septembre. Ironie de l’histoire : deux ans après la signature d’un protocole sur le secteur optionnel, c’est toujours le même document qui est sur la table. L’UNOCAM voudrait des gages concernant l’absence de taxes nouvelles à l’automne ; elle a néanmoins signé une lettre d’intention en faveur du secteur optionnel…
Pour le reste, la convention s’inscrit droit le sillon de 2005 (le schéma du parcours de soins est repris), mais commence à corriger certains écarts de revenus entre spécialités en valorisant, avec des marges réduites, des actes à haute valeur ajoutée de santé publique. D’où une série de majorations ciblées accordées aux « cliniciens » (dermatologues, pédiatres, psychiatres, endocrinologues…), la création d’une visite longue (VL cotée 2V) aux patients atteints de maladies neuro dégénératives ou la reconnaissance marquée du rôle de consultant via l’extension des modalités du C2 (acte d’expertise utilisable avec un consultation CS de synthèse). Pour les « techniciens » en revanche, le bilan immédiat est quasi-nul, sans effort financier supplémentaire sur la grille des actes techniques (mais, promet la CNAM, la méthodologie dépassée de la CCAM sera revue pour redéfinir les tarifs cibles). Ce n’était pas du tout la priorité de l’assurance-maladie dans ce round 2011.
(1) Le projet de texte complet de la convention médicale (avec ses 22 annexes) est disponible sur le quotidiendumedecin.fr
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