« LE DOMMAGE lié aux soins reste un sujet sensible. On perçoit les balbutiements d’une prise de conscience parmi les professionnels, qui dépasse aujourd’hui le cap de la peur. Cet ouvrage n’aurait pu voir le jour il y a 5 ans », confie au « Quotidien » le Dr Cédric Grouchka, membre du collège de la HAS. Ce guide arrive en effet à point nommé et ses collaborateurs, dont Claude Rambaud, présidente de l’association de victimes le Lien, et membre du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), espèrent qu’il permettra de s’affranchir de la culture du silence qui a longtemps prévalu (et prévaut encore) sur ce sujet. De 300 000 à 400 000 patients par an sont encore victimes d’un événement indésirable grave au cours d’une hospitalisation, selon les chiffres d’une enquête nationale de 2009. Un service hospitalier d’une trentaine de lits serait confronté à un accident par semaine. Et l’information aux patients est le 3e critère le moins respecté de la certification des établissements.
« En attendant la réduction de ces dommages, la HAS propose ce guide pour aider les médecins à faire face à leur obligation légale et déontologique et les aider à limiter la souffrance de leur patient, mais également la leur, dans un dialogue apaisé », résume le Dr Grouchka. Grâce à l’implication de 40 experts représentant autant les professionnels de santé que les usagers, le sujet est en effet abordé avec subtilité et clarté. « Nous devons considérer autant la souffrance du patient, à l’égard de sa maladie, de l’accident, et de l’injustice qu’il peut éprouver face à l’absence d’écoute ou d’informations venant du corps médical, que celle du praticien confronté à un sentiment d’échec, de culpabilité et de tristesse », continue l’expert de la HAS.
Bon sens.
Tout en précisant que « les relations humaines ne peuvent être entièrement protocolisées », selon les mots de Céline Shnebelen, chef de projet, le guide articule les recommandations autour des trois temps de l’annonce : sa préparation, sa réalisation et son suivi. C’est l’occasion, dans la première partie, de souligner l’importance de la formation à l’identification d’un dommage. Des fiches techniques placées en annexe donnent ainsi de précieux éclairages sur l’écoute active dont le praticien doit faire preuve ou sur les multiples réactions ambivalentes des patients. La HAS rappelle également des mesures simples à anticiper, comme, notamment pour les médecins de ville, le recours à un soutien extérieur (auprès d’associations, des conseils régionaux de l’Ordre, etc.), et la recherche des causes. « Un quart des dossiers que nous traitons ne devraient pas passer en Commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI), mais c’est le seul moyen pour les patients d’obtenir une expertise », dénonce Claude Rambaud. Ce fut le cas, développé en annexe, d’une jeune femme enceinte qui subit une hystérectomie, sans en avoir compris les tenants et aboutissants. Devant l’absence d’explications du corps médical, elle saisit la CRCI et comprend alors le geste du médecin. Elle arrête donc la procédure, regrettant qu’un tel recours ait été la seule solution pour obtenir des explications.
Le bon sens domine également les conseils prodigués pour affronter le moment de l’annonce elle-même. « En situation de crise, les professionnels peuvent oublier l’essentiel.Nous leur demandons surtout de montrer de l’empathie : nous les aidons à exprimer leurs regrets et, si l’erreur est avérée, des excuses », précise Céline Schnebelen. Très éclairant est à cet égard le témoignage d’un professionnel qui a conseillé l’arrêt d’un médicament à sa patiente, arrêt qui a provoqué un accident vasculaire cérébral puis une hémiplégie. Il s’est en effet chargé de prévenir la fille de la malade et de reconnaître sa responsabilité tout en lui apportant des informations précises. Le médecin est encore aujourd’hui le généraliste de l’ensemble de la famille.
La HAS souligne enfin la nécessité d’un suivi du patient après l’annonce, à la fois clinique et psychologique. « Ce texte devrait avoir un effet levier sur la qualité de la prise en charge et l’accompagnement du malade », se réjouit Claude Rambaud. Les professionnels ne sont pas oubliés, puisque le guide préconise, tout au long du processus de l’annonce, le soutien du corps médical impliqué dans le dommage. « Nous souhaitons que les établissements instituent des cellules d’aide aux professionnels, et nous espérons que les libéraux auront les moyens de rompre leur isolement en s’adressant à des instances extérieures » explique Cédric Grouchka. Pour briser le tabou de l’erreur médical au niveau institutionnel, la HAS devrait écrire aux ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé pour plaider en faveur de modules sur ce sujet en formation initiale et continue.
Guide, poster, et synthèse à télécharger sur le site de la HAS : www. has-sante.fr.
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