PAR LE Dr JEAN-FRANÇOIS GRAVIÉ*
LA MISE EN ŒUVRE de la check-list (CL) au travers de la certification, cible, depuis janvier, tous les établissements de santé (ES) : Les ES engagés dans la procédure V2010 devront montrer comment ils la mettent en œuvre, les ES qui passeront la procédure V2010 en 2011, 2012,2013 devront montrer comment ils l’utilisent depuis 1, 2 ou 3 ans et enfin les autres ES en cours de procédure V2007.
Il s’agit au départ d’une initiative de l’OMS dans le cadre de son programme 2008 « Safe Surgery Saves Lives » (une chirurgie sûre sauve des vies).
L’utilisation de la CL repose sur le principe d’une vérification croisée des informations entre les membres de l’équipe du bloc opératoire (chirurgien, anesthésiste et équipe soignante) au cours de trois temps opératoires (avant l’induction, avant l’incision et en fin d’intervention). Une première étude d’impact publiée dans le « New England Journal Medecine » en janvier 2009 a montré une réduction de la morbidité et de la mortalité. Elle a eu pour effet de rendre, rapidement, son utilisation obligatoire par la NHS au Royaume Uni.
La première réaction des professionnels de terrain, face à cette nouvelle obligation, a été de rappeler les déjà (trop ?) nombreux documents rattachés au dossier patient au bloc opératoire : registre de salle d’opération, feuille d’ouverture de salle d’opération, feuille de traçabilité stérilisation, feuille de procédure de contrôle préopératoire, feuille de traçabilité des dispositifs médicaux implantables, feuille de compte des compresses. Auxquels s’ajoute la feuille de protocole opératoire, les bons d’examens anatomo-pathologiques, les bons de prélèvement bactériologiques, la feuille de codage CCAM, le relevé nominatif des stupéfiants, la feuille de liaison SSPI … Autant de barrières pour limiter le risque.
Et pourtant… Les médias continuent à se faire parfois l’écho d’erreurs que le grand public considère, à juste titre, inconcevables. Malgré toutes ces précautions 60 à 95 0000 événements indésirables graves (EIG) surviendraient dans la période péri-opératoire dont près de la moitié sont considérés comme évitables (source : enquête ENEIS 2005). Rapportée au nombre total d’opérations réalisées en France par an (6,5 m ; source : Conseil National de la Chirurgie 2009) la fréquence de survenue de ces EIG est comprise entre 0,9 et 1,4 %.
De nouvelles sources d’informations proviennent, maintenant, de la mise en place d’un registre de déclarations d’événements porteurs de risques dans chaque spécialité dite « à risques » dans le cadre de l’accréditation (voir page XX). Certains organismes agréés ont d’ailleurs ciblé ces déclarations sur des incidents propres au bloc opératoire : Erreur potentielle de côté (Orthopédistes), défaut de préparation cutanée (Plasticiens).
En 2009 la Fédération de chirurgie viscérale et digestive qui est l’organisme agréé pour l’accréditation dans cette spécialité a recensé 756 déclarations sur 1 546 (48,9 %) qui concernaient les items de la Check List : problèmes liés à l’utilisation de matériel, erreur potentielle de site opératoire, corps étranger, problème d’installation du patient, problème de préparation du patient, problème d’identitéetc.
L’appropriation de cette Check-list OMS devenait donc indispensable.
En 2009, à l’initiative de la Haute autorité de Santé, les représentants des professionnels travaillant au bloc opératoire, en association avec des représentants des patients, ont adapté cette CL au contexte français et l’ont appelé Check-list Sécurité du patient au bloc opératoire. Il s’agit d’intégrer une nouvelle dimension dans le travail des équipes au bloc opératoire, la vérification croisée et le partage des informations par une verbalisation de l’équipe à l’instar de ce qui se passe dans le poste de pilotage des avions. Cet échange se fait avec un coordonnateur, le plus souvent un personnel infirmier, qui vérifie les items de la CL en coordination avec le chirurgien et l’anesthésiste responsables de l’intervention.
Les conclusions du groupe de travail soulignaient que la mise en œuvre au quotidien ne devait pas entraver le déroulement du programme opératoire. II ne s’agit pas d’une récitation incantatoire préliminaire, ni d’un remplissage passif, voire a posteriori, des items, mais d’une vérification, partagée et croisée au sein de l’équipe, au fur et à mesure de leurs réalisations. Enfin le renseignement de la CL ne doit pas prendre plus de deux minutes.
Résultats d’enquête.
Depuis juin 2010, la HAS et les organismes agréés d’accréditation ont lancé une enquête auprès des médecins engagés dans cette procédure. Les résultats sont en cours d’exploitation, mais d’ores et déjà 1900 médecins exerçant en bloc opératoire (dont 290 anesthésistes) ont répondu à l’enquête. Les résultats préliminaires de cette enquête sont encourageants et montrent l’intérêt des professionnels pour cette check-list. En effet son utilisation au quotidien est confirmée dans 98,5 % des cas et pour la plupart (77 %) depuis plus de 6 mois ; 81 % des professionnels interrogés pensent que la check-list contribue à améliorer la sécurité des interventions chirurgicales et 37,1 % estiment que la check-list a (aurait) permis de détecter un événement porteur de risque. Enfin, 60,7 % précisent que la réalisation de la check-list ne ralentit pas l’activité. En revanche, des progrès restent probablement à faire en termes de communication, de culture de sécurité et de travail en équipe : 70,2 % « délèguent » la check-list à d’autres professionnels (le plus souvent soignants), 33,4 % ne participent pas à la check-list et la présence simultanée des membres de l’équipe (time-out) est citée comme étant la première cause limitant la procédure (dans 37,7 % des cas).
La mise en place de la check-list au bloc opératoire est sans conteste l’instauration d’une barrière supplémentaire pour éviter la survenue d’événements indésirables graves. Elle ne remet pas en question les autres barrières qui ont déjà été instaurées, parfois de manière réglementaire. Elle se pose comme un nouvel outil de gestion du risque par son principe du partage d’information. Pour autant, il sera difficile de mesurer son impact sur la diminution de la sinistralité. Son effet est d’ores et déjà de rappeler que l’acte opératoire est un travail d’équipe et concourt au développement de la culture du risque en établissement de santé auprès de tous les professionnels.
*Secrétaire général de la Fédération de chirurgie viscérale et digestive.
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