« Dans notre discipline, la question démographique est un sujet de réelle préoccupation. Aujourd’hui, il existe de nombre postes hospitaliers de gériatres qui restent vacants. Et le problème risque de s’aggraver dans les années à venir, à l’hôpital mais aussi dans le secteur médico-social », avertit le Pr Philippe Chassagne, chef du service de médecine interne gériatrique du CHU de Rouen et président du Collège des enseignants de gériatrie.
Dans l’Atlas 2015 de l’Ordre, on recense 1 580 gériatres en exercice : 1 511 comme salariés, 32 comme libéraux et 37 avec un exercice mixte. Pour exercer, il existe actuellement deux modes de qualification : la capacité de gérontologie et le DESC de gériatrie.
« La capacité de gérontologie est principalement choisie par des généralistes qui, à un moment de leur carrière, veulent diversifier leur activité et travailler comme coordonnateurs en EHPAD. Un certain nombre de médecins à diplôme étranger, qui viennent exercer en France, choisissent aussi de passer cette capacité. Pendant des années, on a formé environ 500 médecins par an avec cette capacité. Mais actuellement, le réservoir est en train de s’amenuiser un peu », constate le Pr Chassagne, tout en précisant que la capacité continue de représenter environ 90 % des qualifications délivrées chaque année pour exercer la gériatrie.
« Seulement 10 % des médecins qualifiés en gériatrie viennent du DESC. Actuellement, on forme entre 130 et 150 médecins par an avec le DESC, ce qui est insuffisant pour faire face aux besoins à l’hôpital, ajoute-t-il. Aujourd’hui, par exemple, dans ma région, en Haute et Basse Normandie, on recense 25 postes de gériatres vacants. Et une dizaine d’autres sont occupés par des confrères qui devraient cesser leur activité dans les cinq ans à venir. »
Horizon… 2021
Ce mode de formation (capacité + DESC) va être bouleversé avec la mise en place, à partir de la rentrée de 2017, d’un DES de gériatrie. Une vraie filière pour former des internes sur la durée, reconnaît le Pr Chassagne : « Cela va nous permettre d’avoir des internes qui seront formés en 48 mois. À l’arrivée, nous aurons des gériatres de très bon niveau. Mais il faut rappeler que les premiers internes qui vont s’engager dans cette filière ne sortiront qu’en 2021. Et il faudrait, selon nos estimations, avoir entre 250 et 280 nouveaux internes chaque année pour faire face aux besoins. »
Philippe Chassagne redoute la disparition programmée, avec cette instauration du DES, de la capacité de gérontologie. « Notre spécialité s’exerce aussi dans le secteur-médico social. Et la capacité permet de former aujourd’hui un grand nombre de praticiens qui exercent comme médecins coordonnateurs dans les EHPAD et ont un rôle indispensable », indique-t-il. Mais le président du Collège s’inquiète également de la démographie, elle aussi préoccupante, des médecins généralistes. « Là aussi, on voit beaucoup de médecins qui partent en retraite sans être remplacées. Et cette situation préoccupe fortement les gériatres. Car le généraliste reste le pivot du maintien à domicile de la personne âgée. Et le gériatre le plus brillant du monde ne pourra rien faire sans un généraliste de proximité », indique le Pr Chassagne.
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