LE PRÉSIDENT de l’URPS « médecins » de Bretagne en convient : choisir l’entreprise médicale libérale comme thème de colloque annuel est un brin provocateur. « Associer entreprise et "médical" est encore un sacrilège pour beaucoup, confie le Dr Hervé Le Néel. Mais l’organisation territoriale de la santé, les contraintes fiscales et administratives, le souci partagé d’une plus grande efficience, tout cet environnement nous invite à nous interroger... ».
Le médecin, chef d’entreprise ? Pas si simple. Michel Louazel, professeur d’économie à l’Institut du management (École des hautes études en santé Publique, EHESP), constate que 80 % des établissements de santé privés appartenaient aux praticiens eux-mêmes dans les années quatre-vingt-dix. « Aujourd’hui, il n’y a plus que 45 % des cliniques qui sont indépendantes », observe-t-il. Si la puissance financière de groupes solides est souvent indispensable pour survivre dans un secteur concurrentiel où les investissements sont lourds (un quart des cliniques sont dans le rouge), le rôle des médecins est dans tous les cas d’être moteur sur le projet médical. « Ils sont des entrepreneurs...de santé publique ou au service de la santé publique, inscrits dans la prise en charge coordonnée des soins sur un territoire donné », analyse Michel Louazel.
L’exercice regroupé, un horizon pour les manageurs.
De nouvelles opportunités se présentent pour le médecin entrepreneur ou manageur : la montée en puissance des maisons ou pôles de santé, une planification territoriale de l’offre de soins, les projets de nouveaux modes de rémunération pour le travail en équipe...
Certains n’ont pas attendu pour avoir l’esprit d’entreprise chevillé au corps. Il y a une dizaine d’années, un médecin généraliste de Bretagne a fait le pari d’une démarche entrepreneuriale en créant un pôle de santé libéral à Bréhan, sans subvention. « Je préfère l’appellation "entreprise de santé" à celle d’entreprise libérale, car je n’oublie pas que mon principal financeur est l’assurance-maladie », explique à cet égard le Dr Nicolas Thual. Son histoire de pionnier et ses péripéties rocambolesques ont fait sourire l’auditoire. « À l’époque, nous avions beau frapper à différentes portes, celle de l’Ordre ou de l’ARH (agence régionale de l’hospitalisation), nous n’obtenions aucune aide, ni sur la configuration des cabinets, ni sur l’organisation de réunions de coordination, ni sur la forme juridique du regroupement...».
Se décomplexer.
Les choses changent. En matière d’exercice regroupé, les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) prennent le pas sur les tâtonnements d’hier. « Nous avons commencé les trois premières années sous statut d’association loi 1901... la même qu’utilisent les joueurs de pétanque », raconte ce jeune médecin. Selon Aude Girard, avocate à Rennes, « les médecins doivent se décomplexer par rapport aux montages juridiques. Ces derniers ne doivent plus être des freins au développement ».
Décomplexé, le Dr Patrick Gasser, président de l’URPS médecins des Pays de la Loire, l’est assurément. « Si on lit la définition de l’entreprise par l’INSEE, à savoir une unité de production organisationnelle de biens et de services disposant d’une autonomie de décision, on voit bien que nous sommes dedans ! », plaide-t-il.
Prise de risque financier, service rendu évaluable par le consommateur, nécessité de s’adapter, contrats, paperasse, mais aussi performance, gains de productivité : même si la santé est un bien de consommation « à part », les analogies ne manquent pas en effet entre le médecin libéral qui gère son cabinet et le chef d’entreprise !
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