Le débat est presque aussi vieux que la Sécurité sociale et le chef de l’État a souhaité l’inscrire à l’agenda de la prochaine élection présidentielle.
En effet, le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie (HCAAM) planche, à la demande du gouvernement, sur l’articulation entre l’Assurance-maladie obligatoire (AMO) et les complémentaires (AMC). Et depuis quelques semaines, les fuites sur le projet d’avis que cette instance prépare mettent en émoi les acteurs du secteur.
Parmi les pistes, celle d’une « grande Sécu » mettant fin aux tickets modérateurs couverts aujourd’hui par les complémentaires est une « chimère illusoire sous-tendue par l’agenda caché d’un bouclier sanitaire », s’est récrié Éric Chenut, le nouveau président de la Mutualité française dès son élection, début octobre.
En effet, mutuelles, institutions de prévoyance et assurances privées ont commencé un lobby en faveur du statu quo en multipliant les sondages pro domo. Ainsi, selon une enquête BVA que l’Association pour le développement de l’assurance française (ADAF) vient de rendre public, 80 % des Français et 81 % des professionnels de santé considèrent que « le système de santé, tel qu’il est organisé aujourd’hui, alliant Assurance-maladie obligatoire et complémentaires santé permet d’être sûr que soi ou ses proches pourront être soignés quoi qu'il arrive ». En outre, 59% des Français et 58% des soignants voudraient « conserver à l’avenir un système de copaiement entre l’Assurance-maladie et les complémentaires santé pour garantir la liberté du parcours de soins, quitte à devoir payer une partie de la dépense ».
Frais de gestion
Reste que le copaiement coûte cher. Dans son avis préparatoire que « Le Quotidien » s'est procuré, le HCAAM a calculé qu'en 2019, les charges de gestion ont représenté 6,9 milliards d’euros pour l’Assurance-maladie obligatoire et 7,6 milliards pour les complémentaires.
Que proposent aujourd’hui ses experts ? Quatre scenarii sont sur la table. Le premier revient à garder le cadre actuel (AMO + AMC) mais en simplifiant et rendant plus lisibles les règles de remboursement des assurés. Ce scenario inclut l’hypothèse d’un plafonnement des restes à charge les plus lourds, sous la forme d’un « bouclier sanitaire », une antienne entendue depuis 2007 mais qu’aucun gouvernement n’a jamais osé mettre en application. Il invite également à élargir l’accès à la complémentaire santé solidaire (ex-CMU-C) en particulier pour les personnes âgées, qui contrairement aux actifs, payent aujourd’hui très cher leur mutuelle ou leur assurance.
Les trois autres canevas sont plus disruptifs. Le deuxième modèle propose en effet d’étendre le champ d’intervention de l’Assurance-maladie obligatoire à « l’ensemble des patients et des prises en charge », en somme le régime de l’ALD pour tous. C’est là un modèle inspiré du régime local d’Alsace-Moselle, plus protecteur que dans le reste de la France. L’avantage, selon le HCAAM, est que cela permettrait, dans le même mouvement, de « faciliter les réformes des modes de rémunération des professionnels vers des formes mixtes associant paiement à l’acte et paiement forfaitaire ou à la performance ». De la même façon à l’hôpital, la suppression des différents forfaits à la charge des patients s’inscrirait dans la réforme en cours qui vise à réduire la part de tarification à l’activité (T2A) au profit du financement populationnel. Cette Sécu tentaculaire aurait même vocation à rembourser entièrement des lunettes et des prothèses dentaires, au moins dans un panier de base.
Complémentaire universelle ?
Le troisième scénario va, pour sa part, au bout de la logique de la réforme engagée sous le quinquennat Hollande et restée inachevée. Il s’agirait de rendre l’Assurance-maladie complémentaire « obligatoire, universelle et mutualisée ». En effet, en 2016, la complémentaire est devenue obligatoire et prise en charge au moins pour moitié par l’employeur dans le privé. L’équivalent est en cours de négociation pour les trois fonctions publiques. Dans ce cas, cette complémentaire d'office porterait sur un panier de soins au contenu défini par voie réglementaire sur le calque des garanties comprises aujourd’hui dans la couverture des salariés. Les assurés resteraient, par ailleurs, libres de cotiser à une surcomplémentaire pour le reste de leurs dépenses de santé.
Enfin, le quatrième scénario, probablement le plus lisible, propose une sorte de Yalta des remboursements : à l’Assurance-maladie le remboursement à 100 % de ce qu’elle prend déjà en charge (même partiellement) et aux complémentaires les soins ou les dispositifs qu’elles remboursement aujourd’hui majoritairement voire quasi totalement (les médicaments à SMR faible, prothèses dentaires, lunettes)…ainsi que les dépassement d’honoraires. Ce scénario offrirait aux mutuelles et assureurs une occasion de renforcer leurs réseaux de soins au travers desquels elles contractualisent directement avec des praticiens libéraux. Dans le même temps, le HCAAM admet que la probabilité qu’un certain nombre d’assurés fassent leurs comptes et renoncent à une complémentaire est très forte, au risque de faire flamber les cotisations des autres. Un serpent qui se mord la queue.
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