« Arabella » par l'Opéra de Bavière

Anja Harteros en vedette

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Publié le 21/01/2019
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Opéra-Anja Harteros

Opéra-Anja Harteros
Crédit photo : WILFRIED HÖSL

Trois jours avant de la reprendre à son répertoire à Munich avec la même équipe (jusqu'au 25 janvier), l’Opéra d’État de Bavière est venu donner « Arabella », dernière collaboration de Richard Strauss et Hugo von Hofmannsthal, sur la scène du théâtre de l’Avenue Montaigne, dans un confort acoustique parfait. Une splendide version de concert, dont les protagonistes ont joué leur rôle avec beaucoup de crédibilité et sans emphase.

On avait vu « Arabella » à Munich dans la mise en scène du cinéaste Andreas Dresen, fils d’Adolf Dresen, immense metteur en scène de la RDA, notamment au Deutsche Theater Berlin. En version de concert, il est resté chez les chanteurs assez de théâtre pour faire passer l’essence de cette sombre production, avec son intrigue de mascarade scabreuse et ses rouages dramatiques parfois tirés par les cheveux.

La distribution avait fait salle pleine. Notamment le soprano Anja Harteros, vedette munichoise que le public parisien adore et retrouvera dans « la Force du Destin » de Verdi à l’Opéra de Paris du 6 juin au 9 juillet. Sa voix n’a pas le crémeux de celles de certaines interprètes historiques d’Arabella, elle a des teintes plus sombres, des duretés parfois, mais la chanteuse fait preuve d'un engagement total dans un personnage qui ne se déride jamais et paraît résigné à cette course à l’abîme.

Michel Volle, son Mandryka, est une autre star internationale. Son personnage éclate dès qu’il se met à bouillir de jalousie et de vraie passion. Hanna-Elisabeth Muller en Zendka a été la découverte de cette soirée, totalement extravertie, avec une voix claire d’une infaillibilité totale.

On fait confiance à Munich pour peaufiner les rôles utilitaires ; tous étaient parfaits. Le Matteo très assuré de Daniel Behle en tête, la cartomancienne de Heike Grötzinger, le trio de soupirants Dean Power, Sean Michael Plumb et Callum Thorpe. La Fiakermilli de Sofia Fomina était parfaite, sans les excès souvent liés à la grande scène du Bal des cochers. Doris Soffel et Kurt Rydl, deux vétérans de la scène, donnaient malgré leurs inévitables blessures vocales une allure épatante au comte et à la comtesse Waldner.

La seule réserve sera pour le Bayerisches Staatsorchester, malgré sa qualité d’ensemble et l’excellence légendaire de ses vents et cuivres. Car sa présence sur scène, si elle permet de savourer certains détails que l’on entend moins dans la fosse, peut couvrir les voix des chanteurs. Constantin Trinks, qui naviguait entre une direction nostalgique viennoise et une objectivité rigoriste, n’a pas évité cet écueil et l’on regrette de n'avoir pu entendre à chaque minute ce qui sortait sans aucune faiblesse de la bouche des chanteurs. L’excellent surtitrage suppléait souvent à ce manque de clarté. Soirée magnifique et fort acclamée.

Anja Harteros sera aussi à l'affiche du Festival d’opéra de Munich en juillet, avec, les 12 et 15, « Otello » de Verdi, aux côtés de Jonas Kaufmann, sous la direction de Kirill Petrenko.

 

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9717