Reprises à l’Opéra de Paris

Increvables « Contes d’Hoffmann »

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Publié le 24/02/2020
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Après une longue période de grèves, l’Opéra de Paris a repris son activité avec l’increvable production des « Contes d’Hoffmann » de Jacques Offenbach réalisée en 2000 par Robert Carsen et Michael Levine, un des piliers de son répertoire lyrique.
Michael Fabiano

Michael Fabiano
Crédit photo : GUERGANA DAMIANOVA

Les reprises à l’Opéra de Paris sont sur la ligne de mire.Dans une interview à « Télérama » le 17 janvier, Stéphane Lissner, directeur de l’établissement, s’indignait que les journalistes ne se déplacent pas pour les reprises de spectacles lyriques. La journaliste aurait pu lui répondre que, contrairement à celles de ses prédécesseurs, les reprises actuelles ne sont pas toujours dignes de l’Opéra de Paris, du moins de ses prétentions tarifaires. Pour quelques productions qui reviennent avec leur distribution d’origine, combien d’opéras du répertoire sont repris avec des distributions sans grand intérêt ? Et les reprises vont être plus nombreuses, car, Stéphane Lissner l’a annoncé dans une interview à France Info le 5 février, elles vont remplacer de nouvelles productions annulées pour combler la perte liée aux grèves de quelque 16 millions d’euros.

Cette reprise des « Contes d’Hoffmann » fait en partie mentir ce préambule, car, sans être de tout premier ordre, elle a le mérite d’être homogène, avec deux chanteurs exceptionnels et le reste de la distribution plutôt soigné. On est loin cependant, sans remonter aux légendaires « Contes » mis en scène par Patrice Chéreau dans les années 1970, des distributions affichées par la même production de Carsen dans les premières années de sa création.

La direction du chef britannique Mark Elder, à la fois attentive et très précise, accuse souvent raideur et froideur. L’Hoffmann du ténor américain Michael Fabiano brille par une belle endurance, un timbre flatteur, des aigus brillants et une prononciation correcte. Il lui manque parfois le supplément d’aura romantique du personnage. Son double Nicklausse, suprêmement interprété et joué par le mezzo-soprano français Gaëlle Arquez, belle voix aux aigus faciles et à la diction superlative, équilibre par sa bonne et intelligente présence scénique le jeu souvent monolithique d’Hoffmann.

Superbe aussi l’Antonia de l’Américaine Allyn Pérez, à la voix ample et facile, très crédible dans ce rôle difficile. La Voix de la Mère de Sylvie Brunet-Grupposo est en accord parfait avec elle dans les duos et les trios si périlleux du deuxième acte. La voix de Véronique Gens passe difficilement la rampe de ce grand théâtre, mais son personnage de Giulietta ne manque pas d’allure. Jodie Devos se tire fort bien du rôle de l’automate nymphomane Olympia, mais si sa virtuosité de colorature est impeccable, on ne peut s’empêcher d’être rebuté par la stridence déplaisante de ses aigus. Laurent Naouri, au fil des années, a conféré aux quatre personnages noirs des « Contes » un jeu scénique exceptionnel, qui compense aujourd’hui une certaine usure vocale. Hormis l’excellent Spallanzani de Rodolphe Briand, les seconds rôles sont seulement corrects.

Quant à Robert Carsen, on louera une fois de plus la réussite de son parti-pris de théâtre dans le théâtre, l’intelligence de sa direction d’acteurs et le fait que certaines trouvailles dramaturgiques n’ont, en 73 représentations, pas pris une ride. C’est un grand bonheur, qui s’ajoute à celui de pouvoir jouir aujourd’hui de ce chef-d’œuvre testamentaire avec tout son éclat romantique et fantastique, dans une version aussi complète que possible, grâce aux admirables travaux des musicologues du XXe siècle.

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin