Leader de l’équipe de France de Handisport

Le combat du chirurgien champion

Publié le 10/03/2010
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Crédit photo : DR

LE PARCOURS SPORTIF du Dr Georges Bettega est exceptionnel. Et à plus d’un titre. À 47 ans, ce chirurgien orthopédique, PH au CHU de Grenoble, a déjà remporté un palmarès olympique rarement égalé : aux jeux Paralympiques de Moscou, en 1980, puis à ceux de Los Angeles, en 1984, il a raflé pas moins de huit médailles, six en or et deux en bronze. Avec un tel trophée, n’importe quel champion aurait été comblé. Mais, alors qu’il a cessé l’entraînement intensif dans les piscines, à raison de cinq heures quotidiennes de longueurs enchaînées, et évacué les bassins, il va repartir sportivement à zéro : à partir de 1986, chaussant des skis adaptés sur ses jambes afonctionnelles, il s’initie aux joies moins linéaires des sports de glisse. Et son goût du haut niveau reprend le dessus. Un entraîneur le repère dans le Vercors, où il dévale les pentes. Il suit ses progrès en ski de fond. « J’y ai tout de suite pris goût, confie-t-il, puisant un intense sentiment de liberté et d’ouverture et j’ai décidé de m’entraîner sérieusement. »

Avec ces cadences forcenées, les résultats sont au rendez-vous. Après trois ans d’efforts, à raison de 850 heures par saison, c’est l’apothéose : il décroche la coupe du monde au classement général de biathlon en 2009. Évidemment, un tel titre fait de lui, cette année, le grandissime favori pour les jeux Paralympiques. « Même si j’ai eu un début de saison plutôt moyen, en me classant 7e, j’aimerais bien faire un podium », confirme-t-il. Visiblement, les dirigeants fédéraux partagent sa confiance et croient en lui ; ils l’ont choisi comme leader de l’équipe de France Handisport en ski de fond et biathlon.

Un sentiment d’humiliation.

Le parcours sportif du Dr Bettega est donc celui d’un athlète de très haut niveau. C’est en ces termes que lui-même l’évoque. Pourtant, d’aucuns parlent de sa carrière comme de celle d’une personne atteinte de handicap et non d’un sportif à part entière. « J’en ressens, lâche-t-il, un sentiment d’humiliation. D’ailleurs, s’insurge-t-il, pourquoi parle-t-on toujours de jeux Paralympiques et non pas de jeux Olympiques ? ». Le Dr Bettega a été atteint à l’âge de 3 ans par une poliomyélite, qui lui a laissé des séquelles asymétriques aux deux jambes. Moyennant quoi, il parvient à marcher avec peine. « À l’hôpital, j’opère assis, raconte-t-il, a vec une table d’intervention un peu plus élevée et quelques aménagements. Dans la pratique sportive, que ce soit en natation ou en ski, les efforts que les jambes ne peuvent effectuer, ce sont les bras qui les assurent. Cela nécessite un travail technique rigoureux, en particulier sur la ceinture abdominale. Il faut utiliser un matériel adapté. »

Le champion utilise ainsi une luge fabriquée sur mesure qui a coûté 11 000 euros, en partie subventionnée par la ville de Grenoble. Mais, insiste-t-il, « si l’on met de côté l’adaptation au handicap, qui passe par des ajustements techniques, les entraînements font appel aux mêmes règles et au même suivi que ceux qui sont effectués par les sportifs valides. Dans ces conditions, pourquoi donc ghettoïser le handisport », s’interroge-t-il encore, en mettant en avant son expérience au sein de clubs de sportifs valides. Il assure qu’il s’est toujours senti parfaitement intégré. « Les uns et les autres, quel que soit notre statut, explique-t-il, nous nous appliquons à travailler ensemble. En définitive, nos techniques sont les mêmes dans toutes les disciplines, l’avenir passe par la fusion au sein de structures communes, celles des fédérations valides. »

Trois mois de disponibilité.

Le chirurgien champion met d’autant plus d’énergie dans son combat en faveur de l’intégration qu’il dénonce les inégalités entre les nationalités des compétiteurs, en France et à l’étranger. « Beaucoup de pays, signale-t-il, permettent à leurs champions de handisport de s’entraîner à temps plein, comme des professionnels à part entière. Rien de semblable n’est prévu chez nous, où il faut s’organiser au coup par coup. Pour préparer correctement Vancouver, j’ai dû prendre trois mois de disponibilité hospitalière en cumulant tous mes congés, RTT et autres récupérations. Heureusement, dans mon service, tout le monde, médecins comme soignants, joue le jeu pour me permettre de dégager un temps suffisant pour m’entraîner. »

Au CHU de Grenoble, pendant les dix jours des jeux Paralympiques, les équipes vont être à l’affût des retransmissions des épreuves sur France Télévision. Mais la couverture restera bien inférieure à celle des JO. « Moi-même, remarque, amer, le chirurgien multimédaillé, au cours des quatre dernières années, je n’ai pas vu l’ombre d’un journaliste sportif. »

 CHRISTIAN DELAHAYE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8726