« La Dame blanche » à l'Opéra Comique

Une réhabilitation en question

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Publié le 02/03/2020
L’Opéra Comique vient de reprendre l’un de ses plus grands succès, « la Dame Blanche » de François-Adrien Boieldieu, créé en 1825 sur un livret d’Eugène Scribe d’après Walter Scott. Un spectacle coproduit avec les opéras de Limoges et Nice.
Elsa Benoit

Elsa Benoit
Crédit photo : CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

L’Opéra Comique poursuit sa mission de réhabilitation du patrimoine français du genre. Après avoir exhumé récemment des œuvres d’Hérold (« le Pré aux Clercs »), Offenbach (« Madame Favart »), Rossini (« le Comte Ory ») et Adam (« le Domino noir »), voici Boieldieu. Avec près de 1 700 représentations, « la Dame Blanche » est au quatrième rang des succès de ce théâtre, (derrière « Carmen », « Manon » et « Mignon ») et fut déclaré trésor du patrimoine national, d'où le nom de Boieldieu donné à la place où est située l’institution, créée en 1714.

Mais pourquoi faut-il que l’on ressorte le plus souvent déçu de ces réhabilitations ? Soit l’approche théâtrale en est poussiéreuse, soit on a fait appel à des metteurs en scène trop branchés qui réalisent des spectacles hors sujet. Dans le cas de « la Dame Blanche », Pauline Bureau (mise en scène), Emmanuelle Roy et Alice Touvet (décors et costumes) ont opté pour une illustration gothique de bon aloi, avec un décor habilement utilisé et des costumes d'un style écossais revisité par le cinéma. La mise en scène, qui se résume à quelques tableaux paresseusement réglés, navigue entre premier degré et parodie d’une intrigue il est vrai abracadabrantesque. L’opéra-comique, c'est là l'écueil, comporte des dialogues parlés et en fermant les yeux on a ici l’impression de retrouver le ton factice des feuilletons qu’écoutaient nos grands-parents à la radio après le souper.

Réhabiliter ce genre fragile dont les codes nous sont aujourd’hui étrangers (« la Dame Blanche » est un contrepoint musical de la Restauration) demanderait au minimum de rendre crédible sa part de vaudeville. Pauline Bureau ne vient-elle pas du théâtre ?

Autre problème, ces résurrections sont souvent sous-distribuées. Celle-ci n’échappe pas à la règle. Dans le rôle principal de Georges Brown, qui comporte trois airs virtuoses, un rôle de ténor di grazia quasi rossinien, Philippe Talbot ne manque ni de style ni de talent, mais volume et projection lui font défaut. Elsa Benoit (Anna) est le point fort de la distribution et Aude Extrémo, avec sa voix imposante de contralto donne à rire dans les parties parlées, qu’elle ridiculise.

Le chœur Les Éléments et l’Orchestre national de France étaient dirigés avec entrain par Julien Leroy, habile à déjouer l’effet loupe de la fosse d’orchestre pour mettre en valeur une partition dans laquelle Boieldieu a gâté certains instruments, comme la flûte, le cor (allusion au « Freischütz ») et la harpe (évocation de la reine Marie-Antoinette).

Olivier Brunel
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Source : Le Quotidien du médecin