Au Château en Santé à Marseille, les 16 salariés sont aux commandes, y compris l’agent d’entretien qui vient d’être recruté. « Auparavant, nous faisions le ménage nous-mêmes, mais les locaux sont immenses, raconte Christophe Roux, infirmier cofondateur de ce centre de santé atypique. Le point de vue de l’agent d’entretien pèse autant que celui d’un médecin dans notre organisation ». Géré par une association, le « Château » a reçu 173 000 euros de subvention de l'ARS en 2020. Un quart du conseil d’administration est composé de salariés. Les autres sont des bénévoles qui apportent leurs compétences : une institutrice du quartier, un journaliste, un mathématicien, une ex-infirmière, une juriste ou encore une psychiatre.
Les décisions sont prises collectivement après réflexions de groupes de travail composés de salariés et de bénévoles. L’un d’entre eux planche, par exemple, actuellement sur l’expérimentation de remboursement par l’Assurance maladie de séances de psychothérapie. L’équipe salariée se réunit chaque jeudi. « Lors de ces réunions, nous explorons les cas de patients complexes et abordons la gestion du centre, décrit Christophe Roux. Tout le monde doit pouvoir s'exprimer. Si on laisse faire le naturel, ce sont les médecins, hommes, blancs, les plus confiants, qui auront toute la parole. Au détriment des femmes comoriennes, par exemple ».
Médiateurs en santé
Comme Fatima Ayouba, médiatrice en santé du Château, qui n’avait pas l'habitude être entendue. « Lorsqu'elle, elle parle, nous l’écoutons comme le chef sioux, observe le cofondateur. Grâce à son origine comorienne et son statut d'immigrée, elle dispose de savoirs précieux sur nos patients ». L’équipe du centre est composée de deux infirmiers, six médecins généralistes, deux médiateurs de santé, deux orthophonistes, la conseillère conjugale et familiale, l'assistante de service social, le gestionnaire et l'agent d’entretien.
« À l’ARS, auprès de qui nous cherchions à obtenir un financement, on nous a dit que nous étions jeunes et idéalistes mais que rapidement l’appât du gain nous motiverait, se rappelle Christophe Roux. Sept ans plus tard, nous sommes toujours là ! ». Ce fut, en effet, un projet de longue haleine, coécrit en 2011 avec une bonne part de l'équipe actuelle. Une fois les financements obtenus, il a fallu trouver un lieu. L'Observatoire régional de santé avait pointé une zone extrêmement critique en termes économique et social : le Parc Kalliste, un ensemble de copropriétés dégradées. La villa Valcorme, un ancien château de notables, était disponible. « La mairie a préempté la villa, nous a proposé un bail puis l'ARS et la Préfecture ont financé la mise aux normes » raconte Christophe Roux. L’inauguration a eu lieu en janvier 2018.
Paiement forfaitaire
Depuis cette année, le centre est passé à un paiement au forfait et non plus à l’acte dans le cadre des expérimentations dites « article 51 » prévues par le budget de Sécu 2018, qui permettent de déroger au droit commun. Ainsi, le Château, qui est lui-même le médecin traitant de ses patients, dispose d'une enveloppe annuelle par patient, quel que soit le nombre de fois où celui-ci consulte. Un mode de rémunération qui incite à mettre le paquet sur la prévention notamment pour les diabétiques relativement nombreux dans la patientèle. « La population est très méfiante vis-à-vis du vaccin contre le Covid, ajoute Christophe Roux. Nous avons organisé des discussions libres sur cette question. Ainsi, une patiente leucémique très à risque, au début très réticente, a fini par être convaincue ». Le centre s’intéresse aux questions de violences sexuelles. Chaque mardi matin, une marche « sans mari, sans enfant » a lieu avec des femmes du quartier. Elles déjeunent ensuite avec l’équipe du centre. Une autre façon de créer du lien entre les soignants et la population du quartier.