La semaine dernière, un ancien collègue de la Commission européenne a repris contact avec moi, ce qui m’a fait grand plaisir. J’y avais réussi une sélection il y a une dizaine d’années. Cela ouvrait des postes de coordonnateur de projets dans les agences de l’Union européenne dont l’agence exécutive Chafea qui avait pour mission de mettre en œuvre le troisième programme de santé de l’Union (il y en avait d’autres dont l’agriculture). Seulement quelques mois avant le covid, la non-reconduction d’un quatrième programme de santé au sens strict c’est-à-dire l’insertion des actions de santé dans une sous-partie du « single market programme », est décidée, au grand désespoir de l’équipe… qui apprend au même moment la fermeture définitive de Chafea. « Mazette, pensez-vous, quel manque de timing politique ! » Imaginez, une crise sanitaire majeure au moment où l’on déférence le mot santé des grands programmes de l’Union. Fâcheux, tout de même.
Ce troisième programme de santé (c’était son nom officiel), s’il avait le mérite d’exister et de m’avoir donné un job, était minuscule à l’échelle du territoire et complexe à mettre en œuvre. Je m’explique. Premièrement, les nations étaient souveraines en matière de santé ; la présence même de ce programme était étrange, il fallait donc agir sans interférer… pas simple. Ensuite, il couvrait quasiment tous les champs de la santé et finançait des projets… sur tous sujets de santé, de toutes tailles, alors qu’il n’était doté que de 449,4 M€ en six ans (2014-2020), soit moins de 75 millions par an, ou encore un euro par habitant en six ans, 16,5 centimes par an. Avoir un programme aussi peu doté est-il pertinent quand on sait les atouts d’un grand territoire en matière de santé ? Je pense notamment aux 24 European Rare Desease Network, datant de 2017, qui permettent de référencer et grouper les maladies rares « du même type », d’identifier les médecins experts en Europe et de faire soigner les petits patients (car ce sont souvent des enfants) par le bon spécialiste, lequel fait progresser les soins grâce à une cohorte de patients plus grande qu’à l’échelle nationale. Le programme traitait aussi de l’évaluation des technologies de santé au niveau européen (cf. nouveau règlement), ou encore… des urgences sanitaires ! Enfin, on pilotait rarement directement les projets de santé à Chafea. On gérait les appels à projets et les appels d’offres. Concrètement, cela veut dire que l’Union n’avait pas ou très-très peu de campagne de santé publique… (nous étions avant le covid, je le rappelle).
Bref, si le programme avait permis de nombreux projets fort utiles, il avait quand même été décidé, rappelez-vous, que les actions seraient réparties dans d’autres programmes. Le mot santé disparaît donc du paysage européen, tout un symbole, quand soudain… le Covid se pointe et fragilise le monde. Les nations comprennent alors que sans la santé… nous ne sommes plus rien. Les pays membres se rendent aussi compte que sans l’Union européenne, on ne fait pas le poids et que l’Union fait la force (je n’ai pas résisté au jeu de mots) face aux autres grandes puissances, notamment en matière de négociation des doses de vaccins.
Une Europe agricole, une Europe économique, une Europe sociale… Une Europe de santé devient indispensable pour éviter aux trois premières de s’effondrer. J’imagine… car je n’y étais plus. Il y a urgence, mais il n’y a plus de programme et Chafea, basée au Luxembourg, a fermé. Changement de direction, frein à main, virage à 180°, patinage des pneus arrière : EU4Health, « L’UE pour la santé », (c’est le petit nom du nouveau programme de santé) voit le jour en quelques mois. Il a pour objectif premier de renforcer la préparation aux crises dans l’UE. Son ambition est de mettre en place des systèmes de santé plus solides, plus résilients et plus accessibles. Cette fois, la Commission déclare que la santé est un investissement (si tous les investisseurs pouvaient résonner comme cela sur la santé de la femme !) et après moult négociations budgétaires, le programme est doté de… 5,3 milliards € pour 2021-2027. Olé !
On crée même une nouvelle agence, European Health and Digital Executive Agency (HaDEA), dédiée à l’exécution de la quasi-totalité de UE4Health ainsi que des volets numérique et santé-recherche des autres programmes de l’Union. HaDEA est basée à Bruxelles cette fois, plus proche des instances de décisions. Le numérique et la santé, tout ce que j’aime !
Si j’avais été feu la reine d’Angleterre, j’aurais porté mon petit tailleur bleu roi avec mon chapeau assorti, serti de petites fleurs jaunes pour célébrer le fait que la santé publique soit une nouvelle priorité, le site internet de la Commission parlant même d’une « Union européenne de la Santé ».
Cachez cette femme que je ne saurais voir
Appendicite et antibiotiques
La « foire à la saucisse » vraiment ?
Éditorial
Cap sur la « consultation » infirmière