Dans les séries policières classiques, l’intrigue suit toujours la même chronologie. Un crime est commis, l’enquête met en évidence un suspect, son mobile et son modus operandi. Tout semble désigner ce parfait coupable jusqu’à ce qu’un autre suspect entre en lice. Mais le véritable coupable, au final, sera découvert dans les dernières minutes et ses motivations, bien plus sombres que tous les mobiles supposés pour les premiers suspects, paraissant brutalement aussi logiques que choquantes.
Un crime a été commis envers le système de santé français. Les patients souffrant d’affections longue durée ne trouvent plus de médecin acceptant d’assurer le suivi de leur pathologie. Les brancards s’accumulent dans et parfois à l’extérieur des urgences, comme il y a quelques jours à Perpignan. Ces mêmes urgences qui au mieux sont régulées à l’entrée, au pire, fermées. Alors comme dans toute affaire criminelle, nous cherchons les coupables. Les premiers à être suspectés sont les Français eux-mêmes. Leur mobile serait d’avoir un besoin, réel ou ressenti, de consommer du soin. Leur modus operandi ? Consulter les généralistes pour des pathologies n’ayant besoin que de temps pour guérir d’elles-mêmes, ou encombrer les services d’urgences de demandes non urgentes, non prioritaires. Mais force est de constater que, si certains abus existent bel et bien, la majorité de nos concitoyens a un réel besoin de soins que la démographie médicale actuelle ne sait combler, le pire étant encore à craindre et à venir.
Le corps médical, deuxième coupable désigné
Entre en scène le deuxième coupable désigné : le corps médical dans son ensemble. Suspect aux visages multiples, rendant son arrestation bien plus difficile. Ce corps médical composé des soignants qu’on suspecte de fainéantise comme explication de tous les problèmes. Les plus jeunes médecins auraient comme mobile un souhait de travailler moins que leurs aînés, d’avoir une vie de famille digne de ce nom. Leur modus operandi étant de ne plus vouloir s’installer, de préférer les remplacements ou le travail salarié offrant des conditions de travail plus stables et moins précaires. Un autre mobile des soignants serait de gagner toujours plus.
Ces cupides coupables seraient d’éternels insatisfaits, enfants gâtés, pourris d’un pays qui leur aurait, soi-disant, grassement payé leurs études, là où la réalité des faits ne cesse de prouver que ledit pays aurait plutôt une dette, y compris financière, envers eux. Le modus operandi de ces ingrats serait de faire capoter les négociations conventionnelles, mécontents qu’ils étaient des propositions d’augmentation, dérisoires, de leur niveau de rémunération. Quand bien même ces augmentations le seraient au prix de contreparties de travail qu’ils ne pouvaient et n’ont pas acceptées.
L’absence d’accord conventionnel ayant abouti au règlement arbitral, dernière étape avant le démantèlement de notre système de protection sociale si aucune nouvelle convention n’était rapidement signée. Le corps médical porterait alors la responsabilité d’un échec sans précédent. Le crime initial en cachant un autre, bien plus gros et bien plus grave : le déconventionnement massif des soignants. Ce terrible modus operandi se résumant à la disparition pure et simple de la sécurité sociale telle que nous la connaissons. Et dans son sillage, la fin du remboursement des soins pour nombre de patients.
La nécessité pour beaucoup d’entre eux de prendre une assurance privée qui leur garantirait, contre le paiement de conséquentes cotisations, d’avoir leurs soins pris en charge si un jour leur santé devait défaillir. Exit la prise en charge des affections longue durée, exit la complémentaire santé solidaire ou C2S. Exit le poids incommensurable sur les finances publiques et le déficit budgétaire lié au financement de feu cette protection sociale…
Un dernier suspect ?
La fin de l’épisode approche et avec lui la résolution de l’enquête criminelle. Et si nous découvrions qu’il existait un ultime protagoniste. Celui, donc, qui porte le dessein le plus sombre et le plus inavouable. Et si… ?
Et si le dernier suspect agissait dans l’ombre pour que tout se passe exactement de cette manière, utilisant les patients et le corps médical, comme autant de marionnettes lui permettant d’arriver à ses fins. Si le but ultime était, justement, de pousser tous les autres à la faute jusqu’à faire exploser le système de santé en le libéralisant à outrance, permettant un désengagement de l’État et l’arrêt du financement à fonds perdu pour la santé des concitoyens ? Si l’idée poursuivie était celle de profondes réformes de structure, en partant du principe que nous ne pourrions faire perdurer notre modèle social ? Ce dernier suspect ne serait-il pas le vrai coupable ? Peut-être aurions-nous la réponse à cette question : Qui veut la peau de la sécurité sociale ?
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