La santé au féminin est sous les projecteurs. Certaines études estiment le marché mondial de la FemTech à 50 Mds$ d’ici 2025. Les pouvoirs publics s’emparent du sujet, comme l’atteste le lancement le 11 janvier 2022 de la stratégie nationale contre l’endométriose. Il était temps ! L’endométriose concerne 10 % des femmes en âge de procréer. Elle générerait 21 000 hospitalisations par an en France, et 70 % des malades ont des douleurs handicapantes au quotidien, y compris pour leur travail. L’errance diagnostique peut dépasser 10 ans !
Cette reconnaissance bien trop tardive est révélatrice d’un problème sociétal majeur : le tabou. On ne parle pas de la santé intime des femmes et les femmes n’en parlent pas. Ou plutôt, elles n’en parlaient pas… Car les langues se délient dans des réseaux et des sites internet comme Home - My S Life (my-s-life.com) qui a reçu le 1er prix Innovation en Éducation de la Chaire UNESCO Santé Sexuelle et Droits Humains en 2020. La « baseline » de la start-up « Reprenez le pouvoir sur votre santé intime et sexuelle » exprime clairement ce qui se passe actuellement au niveau sociétal. Les femmes ne laissent plus les autres décider pour elles et veulent être entendues. Mais si les tabous se lèvent pour les plus jeunes, ils demeurent pour les plus de 50 ans.
L’arrivée de la ménopause, ses désagréments et ses douleurs, sont normalisés par la société, voire ignorés, donc souvent non traités et finalement subis. L’incontinence urinaire toucherait un quart des femmes… Pourtant, elles abordent peu le sujet avec leurs médecins, et ne sont donc pas traitées correctement. Elles se replient sur les protections pour fuites urinaires, discrètement placées sur les étagères basses des rayons des supermarchés dont le dimensionnement croissant (leurs ventes atteindraient 16,9 Mds$ en 2025) prouve qu’une campagne d’information sur les traitements de l’incontinence urinaire serait hautement bénéfique. D’ailleurs, les publicités présentent l’incontinence comme une « norme » à partir d’un certain âge, masquant ainsi la bonne information.
Ces tabous, liés à la pudeur et à la culture, sont une chose. La prise en charge biaisée des femmes, en est une autre… inadmissible car évitable. Saviez-vous que deux expériences dont les résultats ont été publiés en mars 2021 de l’US association of study of pain, ont montré que la douleur d’une patiente est sous-estimée par rapport à la douleur d’un patient par les soignant.e.s, lesquels prescrivaient plus de psychothérapie pour les femmes et plus d'analgésiques pour les hommes ? Ce fait serait étayé par un biais cognitif genré et faux : les femmes exprimeraient plus leur douleur que les hommes ! Une autre étude, canadienne cette fois, révélée récemment par the Guardian, indique que le fait d’être une femme opérée par un chirurgien homme augmente de 32 % les risques de mourir de conséquences post opératoires !
En tant que femme, face à ces constats, je pourrais décider de n’être soignée que par des femmes. Mon choix serait fondé. Mais ce serait une erreur fatale pour l’égalité, et surtout pour la médecine. D’autant que les solutions existent : la prise de conscience et l’information des professionnels.
La dissection spontanée de l’artère coronaire (SCAD) est souvent mal diagnostiquée car autrefois considérée comme rarissime. On sait désormais que cette maladie serait responsable de 25 % des crises cardiaques chez les femmes de moins de 50 ans, et que 90 % des patients sont des patientes. Une étude menée par le professeur Motreff et la docteure Nabila Bouatia-Naji, soutenue par la Fondation Cœur et Recherche, a permis de mieux faire connaître cette pathologie à l’ensemble des cardiologues de l’étude. Grâce à la diffusion de signes cliniques, et grâce à la promotion d’une prise en charge adaptée, une mortalité nulle dans le registre de l’étude a été enregistrée. Des solutions existent donc, encore faut-il connaître et reconnaître les différences de pathologies entre les femmes et les hommes ; écouter les femmes et les inciter à s’écouter elles-mêmes.
Pour finir, car c’est un billet d’humeur… Je suis allée à la rencontre de grands groupes cliniques, mutualistes ou encore pharmaceutiques qui se positionnent sur la santé de la femme. La plupart des personnes que j’ai rencontrées sont des femmes (il y a quelques hommes !) qui croient dans leur travail et veulent changer les choses. Certains allant jusqu’à faire de la prévention, là où, je cite, « l’État ne va plus ». Plusieurs points dans nos discussions m’ont alertée : les médicaments destinés aux femmes seraient moins bien remboursés ; les AMM seraient données exclusivement pour les femmes lors d’études cliniques sur des cohortes de femmes, mais délivrées pour les hommes et les femmes, lors d’études cliniques sur les hommes… Les équipes des autorités publiques sur ces sujets ne respecteraient pas les quotas, et seraient majoritairement masculines… Je découvre, j’écoute, j’entends. Reste maintenant à vérifier… Et à trouver les fonds pour mener une étude indépendante.
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