Depuis le début de l’année 2023, nous avons remarqué avec mes associés des changements notoires en ce qui concerne la fréquentation de notre cabinet médical.
Depuis notre installation nous avons tous voulu faire une part belle aux consultations sans rendez-vous. Ainsi les plages réservées aux urgences et aux consultations non programmées s’avèrent très larges. De ce fait, il nous est parfois difficile de terminer nos consultations à une heure bien précise le soir.
Il est certain qu’en fin de soirée jusqu’à l’année dernière nous terminions facilement notre travail vers 19 heures ou 19 h 30. Cependant depuis quelques mois nous avons observé un afflux de patients en provenance d’autres localités (certaines étant distantes de plus de 30 km). Ces personnes viennent en désespoir de cause, et le plus souvent elles sont informées par le bouche à oreille de notre manière de travailler.
Ces patients, souvent très respectueux, expriment avec une certaine amertume leur désespoir de ne pas arriver à trouver un soignant à proximité de leur lieu de vie. Il arrive même que certaines personnes (surtout les nouveaux arrivants attirés par les conditions atmosphériques très attractives de notre département) soient refoulées de la grande majorité des cabinets médicaux saturés en patients.
Ceux qui ont un médecin traitant ont parfois de grandes difficultés à obtenir un rendez-vous en urgence du fait de plages horaires déjà bien pleines sur les sites.
Par voie de conséquence, et conscients de la nécessité d’une consultation chez un professionnel de santé, ils n’hésitent pas à frapper à notre porte. Il est parfois pathétique de recevoir certaines personnes qui souffrent car une adaptation thérapeutique en ce qui concerne l’antalgie est parfois indispensable (cas des patients ayant des néoplasies).
Nous sommes donc fréquemment stupéfaits de voir la résignation de ces personnes qui ont fait des kilomètres pour être examinées, écoutées, mais aussi recevoir le traitement le plus approprié à leur pathologie.
Une situation complexe qui se comprend facilement
Il serait aisé de blâmer les collègues qui refusent de prendre ces patients qui vivent dans leur bassin territorial. Cependant nous ne devons pas perdre de vue qu'ils :
- souhaitent alléger leurs conditions de travail, et avoir les mêmes plages de disponibilité que les autres citoyens. Ne vivons-nous pas au sein d’une société démocratique et égalitaire ?
- ne peuvent pas surcharger leur patientèle souvent déjà pléthorique ;
- sont les victimes collatérales d’une politique de santé aveugle, et qui refuse de les écouter.
Toujours est-il que nous ressentons depuis peu les problématiques en rapport avec une pénurie démesurée de médecins généralistes de terrain.
Actuellement nous avons dû élargir nos plages horaires au sein de notre cabinet, et nous nous voyons contraints de travailler jusqu’à 20 heures ou 20 heures 30 (le matin nous faisons en sorte de fermer la porte du cabinet à 11 heures pour terminer à 13 heures).
Nombreux sont ceux qui vont nous traiter d’écervelés et de doux rêveurs qui veulent sauver l’humanité qui n’en a cure.
Nous n’avons pas cette prétention, mais nous sommes parfois frustrés de voir certains patients souffrir inutilement par le simple fait qu’ils ne trouvent pas de professionnels de santé à proximité de leur domicile.
Bien entendu ces personnes qui ne sont pas prises en charge pourraient se tourner vers les unités hospitalières déjà surchargées par des patients nécessitant des soins urgents qui ont aussi des difficultés à avoir une place d’hospitalisation.
Cependant, il ne faut jamais avoir des réactions épidermiques (ce sentiment est souvent relayé par le gouvernement qui fustige de cette manière la médecine libérale) vis-à-vis de ces patients désorientés qui ont un seul but : l’accès au soin.
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