Article réservé aux abonnés
Dossier

Soins ambulatoires

PDSA : comment relancer le volontariat ?

Publié le 18/03/2016
PDSA : comment relancer le volontariat ?


Dernières chances avant une réorganisation complète de la PDS ? Depuis plusieurs années l'effritement du volontariat pour la permanence des soins ne semble pas connaître de répit. En juin dernier un rapport parlementaire avançait des pistes pour inverser la tendance. Les statistiques 2015 de l’Ordre le confirment. Dans la foulée, sur le terrain, des innovations ont fait leur preuve. Mais les pouvoirs publics pourront-ils encore longtemps faire l'impasse sur les revalos ?

C’est une évolution préoccupante que la 13e enquête de l’Ordre des médecins sur la PDS vient de confirmer cette semaine. Année après année, le volontariat pour la permanence des soins ambulatoire ne cesse en effet de s’éroder. En 2015  le pourcentage de volontaires sur l’ensemble des départements s’élevait à 65 %, soit une baisse de deux points par rapport à 2014. Qualifiée de « peu significative » par l’Ordre, elle est tout de même plus importante que celle constatée entre 2013 et 2014.

Certes, la situation est contrastée et un peu paradoxale, puisque le pourcentage des volontaires reste supérieur à 60 % dans 66 départements, soit mieux qu’en 2014. Malgré tout, sur le long terme, l’érosion du volontariat ne se dément pas et est franchement inquiétante dans certains territoires. En 2015, selon l’Ordre, 25 % des départements enregistrent une baisse, et même pour 15 une baisse de 10 % et plus, contre seulement 10 % qui signalent une hausse.

Le volontariat, « talon d’Achille » du système ? En juin dernier, Catherine Lemorton et Jean-Pierre Door faisaient ce constat dans un rapport sur l’organisation de la PDSA. Au rayon des explications à cette désaffection pour les gardes en ambulatoire, le rapport évoque, bien évidemment, l’évolution de la démographie médicale, mais aussi les aspirations différentes des jeunes médecins ou encore la réorganisation de certains territoires de garde qui aboutit à des regroupements et à des secteurs beaucoup plus grands à couvrir, sorte d’épouvantail pour les médecins libéraux. Les travaux de la commission excluaient tout retour à la coercition, en conformité d’ailleurs avec le discours de Marisol Touraine. En revanche, ils s’accompagnaient également de 16 propositions dont certaines ciblent spécifiquement une relance des vocations d’effecteurs. Neuf mois plus tard, où en est-on ?

 

Recruter plus largement

C'est une obligation déontologique et morale, pour nous, d'assurer la PDS



[[asset:image:9401 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":["Pr\u00e9sident de l\u0027Union syndicale des m\u00e9decins de centres de sant\u00e9"]}]]Pour inciter davantage de professionnels à participer à la PDSA, ils préconisaient d’abord d’en convier un plus grand nombre. En effet, outre la possibilité de permettre aux remplaçants de s’inscrire sur les tableaux même si le médecin remplacé n’y figure pas, le rapport recommande de lever les obstacles juridiques qui empêchaient les médecins de centres de santé d’y prendre part. « Pour nous, c’est une obligation déontologique et morale d’assurer la permanence des soins, explique Éric May, président de l’Union syndicale des médecins de centres de santé. On voulait seulement pouvoir le faire en gardant notre identité de médecins salariés, donc aussi en respectant des conditions salariales, de droits généraux, de récupération, etc. ».


Les médecins des centres de santé étant donc partants pour jouer leur rôle dans la PDSA, il ne restait plus qu’à se mettre d’accord sur les conditions. C’est chose faite depuis la fin 2015. Un avenant ayant modifié le contrat des médecins salariés, ils n’attendent désormais plus que sa mise en œuvre. « Bien entendu, nous le ferons en pratiquant le tiers payant et, comme tous les autres médecins, sur la base du volontariat. Par exemple, dans d’autres textes, il est question que sur des territoires de désert médical, les centres de santé puissent initier deux financements complémentaires, à condition de participer à la PDSA. On est totalement contre puisque cela contrevient au principe de volontariat », souligne Éric May. De même, il estime que le statut de collaborateur occasionnel de service public peut être adapté pour permettre aux médecins des centres de santé d’être maître de stage, mais ne convient pas pour la PDSA.

 

Former dès les études


Autres recrues envisageables, les étudiants en médecine que le tandem Door-Lemorton proposait de sensibiliser dès leurs études à ce sujet, histoire de leur faire intégrer très tôt cette partie de l’exercice dans leur carrière future. Les internes en médecine générale sont, en tout cas, favorables à la possibilité de participer à des gardes et à la régulation lors de leurs stages en ambulatoire. « C’est un aspect de l’exercice futur qui n’est pas du tout enseigné à l’heure actuelle alors qu’il y a des particularités, regrette Yves-Marie Vincent, président de l’Intersyndicale des internes de médecine générale. Lors de nos stages à l’hôpital, on effectue bien les gardes, donc il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas le faire en ambulatoire. D’autant plus que l’on ne se destine pas à un exercice à l’hôpital et que notre internat va évoluer vers de plus en plus de stages en ambulatoire. Ça nous paraît donc simplement logique que, sur la base du volontariat, on puisse se former aussi à la PDSA ».

 

À l’heure actuelle, seules quelques expérimentations existent. C’est le cas notamment à Créteil où, en 2009, le département de Médecine Générale a décidé de faire participer les IMG en stage Saspas (Stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée) aux gardes. Ils effectuent une garde par mois supervisée par un maître de stage qui est présent lors de la première garde et doit être joignable par téléphone pour les autres.

 

Financement sur mesure et médecins mobiles


[[asset:image:9406 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":["Pr\u00e9sident de l\u0027ADOPS 44"]}]]Mais, au-delà de l’extension de la base des volontaires potentiels, c’est surtout une réorganisation de la PDSA qui était proposée. Et les parlementaires comme le gouvernement semblent désigner un modèle tout trouvé : l’expérimentation menée en Pays de la Loire. Le rapport Door-Lemorton en fait mention et le PLFSS 2016 dit clairement vouloir étendre ce modèle à toutes les ARS. Le Dr Antoine Redor est le président de l’ADOPS 44 (association départementale d’organisation de la permanence des soins) chargé depuis avril 2011 de mettre en place ce nouveau système en Loire-Atlantique. Outre les médecins régulateurs au 15, dans son département, le dispositif s’articule autour de 11 maisons médicales de garde et ses médecins effecteurs, mais aussi de cinq médecins mobiles. De garde dans des hôpitaux locaux, ils sont régulés par le 15. Ils se déplacent pour les visites incontournables à domicile, en Ehpad et les cas d’actes médico-administratifs : certificats de décès, gardes à vue, etc. « Cette organisation nous permet de proposer une PDSA complète tous les jours de l’année et on a, sur le département, un délai d’intervention de moins de 30 minutes, conforme à l’objectif souhaité du président de la République », souligne Antoine Redor.

 

Reste que, comme bien souvent, l’argent est le nerf de la guerre ; et que, pour mettre en place une recette gagnante, il a fallu aussi apporter des retouches substantielles de ce côté-là. Un financement régional globalisé a donc été mis en place. Une enveloppe est allouée aux ARS qui gèrent avec les organisations départementales. « Nous avons une enveloppe fermée de 4 millions d’euros, cela nous demande donc une autodiscipline rigoureuse. » À l’intérieur de cette enveloppe, les territoires ont donc la possibilité de faire du sur-mesure. « On voulait que tout le monde soit justement rémunéré », souligne le Dr Redor. Le volontariat étant notamment dépendant de l’attractivité de ces gardes. Les médecins effecteurs touchent la même chose que les médecins régulateurs, soit 840 euros la nuit. Les médecins mobiles sont rémunérés 3C de l’heure.

[[asset:image:9416 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]

L’organisation fait le volontaire


Selon le ministère de la Santé, cette nouvelle organisation a permis d’augmenter de 10 % le nombre de volontaires. Dans le bassin de santé de Muret, en Haute-Garonne, on a adopté le même système il y a quatre ans, de façon positive aussi. « Ce système nous a apporté la paix. On a un tableau de garde toujours rempli, cinq médecins de garde et un médecin mobile pour chaque garde et, au total, on a 200 médecins sur le bassin ; donc, votre nom revient très peu. En plus, quand les gardes sont organisées comme ça, il très facile de trouver un remplaçant », confie le Dr Philippe Poinot généraliste à Carbonne, et vice-président de MMOB31 (Médecins mobiles 31). « Avant les médecins rechignaient davantage car il y avait plus de secteurs et quand on avait 15 médecins de garde on était parfois là pour 4 à 5 personnes par jour. Maintenant, on sait qu’on est là pour quelque chose. Et puis les médecins mobiles apprécient ce retour à une médecine de proximité », ajoute-t-il.

Les médecins mobiles apprécient ce retour à une médecine de proximité

 




[[asset:image:9411 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":["G\u00e9n\u00e9raliste \u00e0 Carbonne et vice-pr\u00e9sident de MMOB 31"]}]]Dans le bassin de Saint-Gaudens, tout proche, l’organisation de la PDSA était encore plus problématique, notamment à cause du relief beaucoup plus montagneux. « Les médecins ne faisaient plus les gardes. Là-bas la moyenne d’âge des médecins est de 60 ans. Dans le sud du département, ils avaient carrément obtenu une dérogation de l’Ordre pour ne plus faire de visites. C’était n’importe quoi, le SAMU se déplaçait pour des rhumes », explique le Dr Poinot. Cette année, finalement, une maison médicale de garde a été montée ainsi qu’une unité de médecins mobiles : « En deux heures le planning de gardes pour l’année était fait », conclut Philippe Poinot.

Cette organisation convient aux médecins, mais les pouvoirs publics pourraient aussi y trouver leur compte au niveau économique : « Il y a une baisse important du nombre d’envoi aux urgences, ça représente une économie de près d’1 million d’euros », souligne le Dr Redor. La relance du volontariat ne serait donc pas si ruineuse… et elle pourrait se révéler aussi un levier pour résoudre d’autres problèmes de démographie médicale.  « C’est gagnant-gagnant : gagnant pour la population et gagnant pour le médecin âgé qui va pouvoir revendre sa clientèle. Car là où la PDS est bien organisé les jeunes viennent », estime le Dr Poinot. « Nous, par exemple, dans notre MSP, on était trois et nous sommes maintenant sept, les quatre recrues étant tous des jeunes. Les trois choses qui font venir les jeunes c’est l’organisation de la PDS, les MSP et les maîtres de stages », explique-t-il. Donc régler le problème de la PDSA pourrait du même coup apporter des solutions à la désertification médicale.

 

Pas de remède miracle

Un modèle idéal donc ? Pas tout à fait. Si une réorganisation peut suffire dans un premier temps, il n’est pas sûr que les pouvoirs publics puissent s’appuyer à très long terme sur ce nouveau système sans en passer par une revalorisation, quelle qu’en soit la forme. « Au début du dispositif, ça a marché pour relancer le volontariat. Mais il faudrait que les médecins qui participent à la PDSA aient un avantage par rapport à ceux qui ne font rien, une défiscalisation de ces revenus-là par exemple », avance le Dr Redor.

J'ai peur que, si les choses ne bougent pas,
on aille vers une professionnalisation de la PDS

Dr Antoine REDOR

« Notre enveloppe n’a pas bougé depuis 5 ans, alors que, dans le même temps, chaque année notre activité a augmenté de 10 % par an et la population de Loire-Atlantique de 1 %. Cette année, on va renégocier, mais si on n’obtient pas plus et bien on arrête, menace-t-il. J’ai peur que si les choses restent comme ça, on aille vers une professionnalisation de la PDS. Les remplaçants se diront : je vais faire deux nuits par semaine et ça me suffit. On aura une sorte de SOS médecins bis ». La relance du volontariat, pour ne pas être un feu de paille, pourrait donc passer par des changements encore plus profonds que ceux déjà annoncés…

 

Dossier réalisé par Amandine Le Blanc