Un lit, un patient : le pari du Dr Jard

Quel médecin en France, qu’il soit libéral ou hospitalier, n’a jamais rencontré de difficulté pour obtenir l’admission d’un patient au sein d’un établissement ? La recherche de solutions d’aval n’a jamais été aussi difficile pour les praticiens, libéraux ou hospitaliers, souvent contraints d’appeler plusieurs hôpitaux et services avant de réussir à dégoter une place.

Conséquence directe de cet engorgement, une personne sur dix n’est pas hospitalisée dans un service adapté à sa pathologie. « Lorsque j’étais à l’hôpital public, témoigne le Dr Olivier Jard, médecin psychiatre à Toulon, il m’est arrivé, faute de place, d’hospitaliser des patients en pneumologie ou en cardiologie alors qu’ils relevaient normalement de la psychiatrie. J’ai aussi passé de nombreuses heures au téléphone pour essayer d’obtenir des lits à parfois plus de 200 km de l’hôpital », se souvient-il.

Paradoxe

Pourtant, selon le praticien, qui partage désormais son temps entre une activité libérale et en clinique privée, ces situations pourraient être évitées. « Des solutions d’avals existent dans les structures privées. Malheureusement, la communication entre les établissements pèche. Il m’arrive parfois d’avoir plusieurs lits disponibles et d’apprendre trois jours après qu’un de mes confrères du public se tue à la tâche pour essayer de placer un de ses patients. Réserver un hôtel à l’autre bout du monde est un jeu d’enfant mais trouver une place d’hospitalisation s’apparente au parcours du combattant. C’est quand même un paradoxe hallucinant ! »

Une centaine de patients replacés

En 2021, le Dr Jard a eu l’idée de mettre au point, avec l’aide de son fils Jules, une solution destinée à faciliter l’admission des patients. Fonctionnelle depuis février, la plateforme Hospit’Access repose sur un principe simple : proposer à tous les médecins – libéraux comme hospitaliers – un outil pour effectuer et centraliser des demandes d’hospitalisations selon différents critères (hospitalisations complètes, semi-complètes, à domicile, de jour et de nuit). « Nous voulons répondre au mieux aux attentes des professionnels de terrain », souligne le Dr Jard.

Une fois les critères remplis, le praticien peut envoyer sa requête de façon sécurisée auprès de plusieurs établissements afin de maximiser ses chances de recevoir une réponse favorable. La demande d’admission acceptée, il ne lui reste plus qu’à renseigner, dans un formulaire, les informations relatives au patient. Grâce à une messagerie cryptée, le médecin et l’équipe soignante de la structure peuvent ensuite échanger sur l’évolution de l’état du patient. « C’est un vrai gain de temps pour organiser les sorties », fait valoir le Dr Olivier Jard.

L’outil numérique – gratuit pour les médecins et payant à terme pour les établissements – a déjà permis de replacer une petite centaine de patients dans des structures privées (Ehpad, SMR et services de psychiatrie privés) des Bouches-du-Rhône et du Var. « On tourne environ à 10 à 15 hospitalisations par semaine et on enregistre une centaine de médecins qui utilisent régulièrement l’outil », indique Jules Jard.

L’enjeu désormais pour cette petite entreprise familiale, qui dispose de son propre bureau de développement informatique, est d’adapter son produit à l’ensemble des médecins libéraux et de le déployer à l’hôpital public, région par région. « C’est un cercle vertueux, si l’hôpital profite des solutions d’aval mises à disposition, il pourra ensuite désengorger ses services et devenir lui-même récepteur », imagine le Dr Jard, qui espère bien déclencher une petite révolution de l’hospitalisation.