Les débats étaient jusqu’à présent apaisés ; ils se sont tendus lorsque les députés ont examiné l'article 4 de la proposition de loi sur l’aide active à mourir, qui en trace les critères d’éligibilité, au nombre de cinq, cumulatifs. Il a finalement été adopté par 164 voix pour et 103 voix contre (l'opposition venant surtout de la droite et de l'extrême droite).
Les deux premiers critères sont administratifs : la personne doit avoir au moins 18 ans – les députés ont rejeté un amendement qui autoriserait les mineurs de 16 ans et plus à demander une aide active à mourir – et être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France.
Ensuite, il faut que la personne soit atteinte « d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ». La phase avancée est caractérisée par « l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie », a tenu à préciser par amendement le gouvernement, en s’appuyant sur l’avis de la Haute Autorité de santé. Dans un travail publié le 6 mai, la HAS conclut à l’impossibilité de définir un pronostic temporel individuel, écartant donc un critère qui reposerait sur un « pronostic vital engagé à moyen terme ». Elle considère plus légitime la notion de « phase avancée » (ou terminale) qui dans le cas d’une maladie incurable renvoie à la nature de la prise en charge et au parcours du malade, et non à une donnée temporelle.
Les opposants au texte ont dénoncé cette précision qui ouvrirait, selon eux, l'aide à mourir à des patients à qui il reste encore « plusieurs années à vivre ». Pour ses défenseurs, elle permettrait d’inclure notamment les personnes atteintes de la maladie de Charcot.
Quatrième condition : la personne doit aussi « présenter une souffrance physique ou psychologique » qui est « soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne » lorsqu'elle a choisi de ne pas recevoir ou d'arrêter un traitement. Par amendements (des bancs LR, Liot, et Horizons), les députés ont précisé que la souffrance psychologique devra être « constante » et, surtout, une souffrance psychologique seule ne pourra « en aucun cas » permettre de bénéficier de l'aide à mourir.
La dernière condition prévoit que la personne soit apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.
Demande par écrit ou tout autre mode d’expression
Après l'adoption de cet article-clé, les députés ont enchaîné avec l'examen de l’article 5, qui définit la procédure pour demander cette aide à mourir. Ils ont souhaité préciser que la demande faite par le patient au médecin soit exprimée « par écrit ou par tout autre mode d'expression adapté à ses capacités », alors que la version initiale ne mentionnait qu’une « demande expresse », renvoyant le détail à un décret en Conseil d'État. « Il y a une unanimité des différents groupes qui souhaitent effectivement qu’on puisse mieux formaliser la demande et que cette demande soit écrite. Pour autant, nous savons tous qu’effectivement, il peut y avoir des personnes qui, en raison de leur état de santé, ne sont pas en capacité d’écrire », a déclaré la ministre de la santé, Catherine Vautrin, à l’origine de l’amendement adopté.
Dans la soirée, les députés ont commencé à discuter de l'alinéa du texte qui prévoit que la demande soit faite auprès d'un « médecin en activité » qui ne soit « ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel la personne malade est liée par un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit ». Les plus farouches opposants au texte ont tenté de le modifier, en vain. Par exemple, le député macroniste Charles Sitzenstuhl a proposé que seuls les médecins exerçant depuis plus de 20 ans puissent recueillir la demande. Et ce, afin « de protéger les jeunes médecins ». Son amendement a été rejeté, comme les autres.
À l’inverse, des députés, pour la plupart de la gauche, ont essayé d'ouvrir plus largement le droit à l'aide à mourir. Des amendements pour reconnaître la possibilité de la demander via des directives anticipées et/ou une personne de confiance ont été défendus, mais tous rejetés. Pour la députée Danielle Simonnet (groupe écologiste et social), empêcher la prise en compte des directives anticipées, c'est prendre « le risque » qu'une personne demande « la mort plus tôt », avant l'altération de ses capacités de discernement, pour que sa volonté soit respectée. A contrario, le député LR Patrick Hetzel, opposé au texte, a fait valoir que ces amendements posaient à ses yeux « un problème éthique », estimant que la volonté pouvait fluctuer au cours du temps.
Pour confirmer ces votes, l'article dans son ensemble doit encore être adopté. Les débats doivent reprendre ce mercredi après la séance de questions au gouvernement prévue à 14 h 00. Le vote sur l'ensemble du texte, en première lecture, est prévu le mardi 27 mai. Plus de 1 231 amendements restent à étudier.
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