« Même les éléphants s’occupent de leurs morts », figurait parmi les phrases clé de Cécile Winter, médecin interniste à l’hôpital Tenon puis responsable du service VIH à l’Hôpital de Montreuil de 1993 à 2017. Sa vocation de médecin était apparue assez tard, à l'âge de 28 ans, elle avait décidé de « faire un vrai métier qui ait du sens ». Mónica Mojica met à l’honneur dans sa pièce Even elephants do it, cette praticienne qui l’a interpellée et a marqué son époque par son engagement contre le sida.
« Un jour, j’ai eu l’idée de faire une pièce de théâtre sous forme radiophonique avec des moments d’humour, des moments de grâce et des moments de tristesse. J’ai reçu son témoignage comme un bijou », se remémore la metteur en scène et scénographe. La pièce, qui se joue actuellement à Paris*, est construite autour du dernier témoignage vocal de Cécile Winter, diffusé tout au long de ce spectacle, entrecoupé de moments interprétés par les comédiens et animés par les bruiteurs. En parallèle, une vidéo en noir et blanc d’éléphants parcourant le fond de scène au ralenti et bercent le spectateur.
« Le travail clinique, c’est : tu passes d’une chambre à l’autre et tu dois répondre à la question : Qu’est-ce que je fais dans cette chambre ? Qu’est-ce que je dois faire aujourd’hui pour cette personne ? Tu ne laisses pas ton patient seul. Laisser quelqu’un tout seul, étouffer dans son coin, c’est bestial, c’est anti-médical à 100 %. Tu n’abandonnes pas quelqu’un ni dans la souffrance ni devant la perspective de sa mort, même si les moyens sont de plus en plus réduits », expliquait Cécile Winter, dans cet enregistrement radiophonique réalisé pendant la crise du Covid. Durant sa carrière, la médecin n’hésitait pas à trouver un logement pour ses patients, prendre un café avec ceux en attente d’une écoute particulière. Parmi ses actes les plus forts : l’adoption de l’enfant d’une de ses patientes condamnées.
La metteur en scène, Mónica Mojita se souvient d’elle comme d’une « véritable humaniste ». Elle met en avant dans sa pièce le but de Cécile Winter qui était de soulager les patients, de les faire vivre le plus longtemps possible, jusqu’à ce qu’à qu’un traitement plus efficace soit trouvé. La scénographe confie que ce qui l’a touchée, est cette parole d’humanité, la dimension d’un engagement vis-à-vis de tous les patients. La première fois qu’elle a entendu la médecin, très engagée en tant que communiste maoïste, Mónica Mojica a été frappée par son histoire et pensait à la nécessité de réaliser un film sur sa vie. L’idée du spectacle ne lui vient que plus tard.
Mon travail n’est ni rationnel ni intellectuel, je passe par d’autres vecteurs qui éveillent l’inconscient du public.
Mónica Mojica
« L’image des éléphants constitue une partie implicite et invisible de sa parole, gorgée d’humanité, d’espoir et de compassion », dévoile Mónica Mojica. La metteur en scène souhaitait que le spectateur entre en méditation, que sa respiration se calme, et qu’ainsi la parole de Cécile Winter devienne limpide. Cette forme théâtrale singulière relève plutôt de la performance que d’une mise en scène traditionnelle. Ces petites histoires et anecdotes tirées extraites du carnet de bords de la médecin fonctionnent comme « un système BD » et surgissent aléatoirement sur scène. La signature de la metteur en scène réside dans ce pêle-mêle de vidéo et radiophonie. « J’aime beaucoup, confie-t-elle, créer des ponts entre différentes disciplines. J’aime les problèmes socio-politiques, toucher l’âme des spectateurs à travers mes œuvres. Mon travail n’est ni rationnel ni intellectuel, je passe par d’autres vecteurs qui éveillent l’inconscient du public ». Cette pièce interpelle et laisse songeur, un songe qui perdure plusieurs heures après le spectacle.
* Au théâtre de La Reine blanche, 2 bis passage Ruelle, 75018 à Paris, jusqu’au 2 mars.
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