Les 17es Assises nationales hospitalo-universitaires avaient pour fil rouge l'incertitude. Y a-t-il eu plus ou moins d'incertitude à l'issue de ces échanges ?
Le thème avait été choisi avant la crise de la Covid. L’enjeu n’était pas forcément de réduire le champ des incertitudes, mais de mieux appréhender l’ensemble de leurs composantes. Je retiens l’approche pluridisciplinaire, à savoir scientifique, juridique, philosophique, managériale. Cela élargit le champ d’horizon et permet de mieux l’accepter, sans y voir une entrave au fonctionnement dans le quotidien. Cette thématique tranchait avec les assises précédentes, plutôt programmatiques. C’est en tout état de cause un signal d’humilité que de s’interroger sur l’incertitude dans un univers pétri de sciences et jouant un rôle majeur dans la chaîne de soins.
L'incertitude domine le quotidien des CHU. Quelle est la situation aujourd'hui des soignants ? Faut-il parler d'hémorragie ?
La répartition de cette cinquième vague, c’est l’une de ses caractéristiques, est plus homogène dans l’Hexagone. Certaines régions, certes, sont plus en tension que d’autres. La crise percute un hôpital, et plus spécifiquement un CHU dont les équipes sont fatiguées. Cela ne se traduit pas nécessairement par des départs massifs mais par un absentéisme plus important depuis 2019. La moyenne est entre 10 % et 15 % pour tous les établissements de santé. Cette situation, inédite, est observée tout au long de 2021. Elle s’est accentuée depuis le mois de septembre. Les hospitaliers sont, il est vrai, sur le pont 24 heures sur 24 depuis vingt et un mois. L’absentéisme constitue à la fois la conséquence et la cause d’une mauvaise qualité de vie au travail et aucun d’entre nous, à quelques jours de fêtes de fin d’année, ne souhaitent compromettre les congés de fin d’année des équipes. Les hôpitaux publics et singulièrement les CHU sont sur une ligne de crête très étroite et tous les acteurs du système de santé devraient être mobilisés à parts égales.
Ne faut-il rien changer au fonctionnement des CHU ? Nous ne sommes plus en 1958 l'année de la réforme Debré…
Nous présenterons en janvier des propositions pour le modèle CHU dans le cadre de la campagne présidentielle, dont le ministre a rappelé l’efficacité et la puissance du modèle. Le rôle des CHU doit être conforté en matière de recherche et d’innovation. Dans ce domaine comme dans les autres, la force du système est la pluralité et l’interaction des acteurs et les CHU y ont toute leur place Dans cet écosystème, les CHU occupent une place essentielle en matière de recherche en santé. En ce qui concerne nos missions sur les territoires, nous sommes au milieu du gué quant à un principe de responsabilité territoriale qui doit s’affirmer dans les trois dimensions, soins, enseignement et recherche aux côtés des universités. Mais la place des CHU en matière d’enseignement et de soins ancrés dans un territoire est fondamentale.
Pourtant l'exercice des trois missions, soins, enseignement, recherche, relève de la fiction, comme le reconnaissent un grand nombre d'acteurs.
Je ne le pense pas. Cette réalité s’incarne différemment selon les âges de la vie d’un praticien hospitalo-universitaire. Au début de sa carrière, il s’investira davantage dans la recherche. Progressivement, il pourra s’épanouir dans des fonctions de coordination, de management. Aujourd’hui, les fonctions hospitalo-universitaires se séquencent sans doute davantage au cours d’une carrière. Au fil des réflexions menées sur l’attractivité des carrières HU, l’idée a émergé de contractualiser avec chaque équipe hospitalo-universitaire. Ce qui doit permettre de dégager du temps pour les différentes missions, et qui doit faciliter l’organisation du travail au sein de l’équipe pour porter l’exercice des différentes missions.
Les jeunes générations de médecins paraissent moins attirées par le prestige des carrières hospitalo-universitaires.
La construction d’une carrière hospitalo-universitaire relève souvent du saut d’obstacles. Elle exige de réels sacrifices, mais continue de constituer aussi un facteur d’attractivité. Certains jeunes ont aussi cette méritocratie chevillée au corps. Pour autant, cet emblème est moins fort aujourd’hui. Enfin, l’excellence dans les CHU n’est pas incarnée que par les hospitalo-universitaires, elle se manifeste aussi par l’engagement des praticiens hospitaliers et des équipes paramédicales.
On a parlé des soignants. Mais les directeurs des CHU sont-ils aussi fatigués ?
Nous n’avons pas le droit de nous poser cette question alors que nous n’avons pas à gérer directement la vie des patients. Dans un monde d’incertitudes, il nous faut continuer à donner confiance aux équipes. Certains collègues sont las, mais ce n’est franchement pas le moment du doute pour un directeur d’hôpital. Certes, nous nous répandons peu dans les journaux grand public. Le mode d’expression d’un directeur d’hôpital ne s’inscrit pas dans le registre de la surmédiatisation. Nous sommes bien sûr exaspérés par le récit décliniste, autour de l’hôpital public qui confond les causes et les conséquences de difficultés que nous ne nions pas. Il permet notamment de ne pas interroger les réalités, qu’elles soient sociologiques, managériales, financières… La énième séquence médiatique de ce récit : « Il y a trop d’administratifs » qui méconnaît la réalité objective (ils représentent 12 % des effectifs dans le secteur public en incluant les secrétaires médicales contre 14 % dans le secteur privé) et sublime une délégation maximale aux pôles comme solution, est bien éloignée de ce que la gestion des crises a mis en évidence. L’hôpital, a fortiori le CHU, est un ensemble complexe dans lequel les missions de pilotage et d’arbitrage, de gestion, de coordination et d’interfaces avec les tutelles, assumées par les directions, sont indispensables pour sécuriser l’activité de soins et permettre à ceux qui les assument de s’y consacrer. .
* présidente de la conférence des directeurs généraux des Chu, directrice générale du Chu de Tours.
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