La commission d'enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments a rendu, ce jeudi 6 juillet, ses conclusions après cinq mois d'auditions auprès de professionnels de santé, d'associations de malades, de responsables politiques et de représentants du secteur. Au total, 119 auditions ont été menées.
Cette commission d'enquête avait été engagée en février dernier après les fortes tensions et ruptures d'approvisionnement de l'hiver dernier.
« Les ruptures touchent désormais toutes les classes thérapeutiques sans exception et sur tout le territoire français (...) L'accès aux soins n'est aujourd'hui plus une évidence pour les patients français en fonction des circonstances et des situations concernant la disponibilité des médicaments », a souhaité rappeler, en préambule, Sonia de la Provôté (Union Centriste), présidente de la commission d'enquête du Sénat sur la pénurie de médicaments.
« Il y a là un dysfonctionnement réel et profond de l'approvisionnement de nos systèmes sanitaires européens (...) Cela représente une perte de chances pour les patients et une perte de temps pour les médecins et les pharmaciens déjà fortement mis à l'épreuve par le Covid-19 », a-t-elle renchéri.
36 pistes de réflexion
Dans son bilan, la commission fixe l'échelle européenne comme « cadre prioritaire » des actions à mener pour endiguer et prévenir les risques de pénuries. Il faut, selon elle, donner la priorité à une réponse sanitaire européenne.
Parmi les 36 pistes de réflexion présentées donc, la relocalisation durable en Europe de la production de médicaments essentiels et le renforcement des « obligations d'approvisionnement, de transparence, et de gestion des pénuries au niveau européen ».
Pour favoriser le redéploiement des stocks disponibles au sein de l'Union européenne, le rapport incite aussi à « harmoniser des règles nationales de conditionnement et d'étiquetage » et encourage « l'utilisation de notices dématérialisées pour les médicaments essentiels ».
Il conseille également de « favoriser une plus grande coordination entre les différents régulateurs des prix des médicaments à l'échelle européenne, pour éviter les effets de compétition susceptibles d'aggraver les phénomènes de pénuries ».
Depuis 2018, la commission note une « nette aggravation » de la situation qu'elle compare à une « forme de scandale sanitaire mondiale ».
Le phénomène des pénuries, qui touche surtout les médicaments peu chers car commercialisés depuis longtemps, a été amplifié par la pandémie suivie de la triple épidémie de Covid-19, grippe et bronchiolite de l'hiver dernier. Des tensions importantes sont ainsi apparues sur des produits d'usage courant, dont l'amoxicilline et le paracétamol.
Lors de la présentation de ses conclusions, la sénatrice Laurence Cohen (CRCE), rapporteure du rapport, a d'ailleurs estimé : « Si la promotion du bon usage est évidemment une nécessité de santé publique (...) Il nous paraît assez facile de culpabiliser les médecins et de dire qu'ils prescrivent trop. C'est facile et ça ne coûte pas cher à l'État, mais ça ne réglera rien ! Nous appelons, avec la présidente, à rester très vigilant sur ce sujet. »
Dans son bilan, la commission estime aussi qu'en termes de politique du médicament, « pilotage, régulation par les prix, organisation de la production, soutien public à la recherche et l'innovation sont à interroger et refonder ».
Elle reproche aux autorités françaises d'avoir « manqué de réactivité et d'anticipation » l'hiver dernier et aux industriels d'avoir « fondé à tort leurs prévisions sur les hivers précédents ». La présidente de la Commission a toutefois estimé que la liste des médicaments essentielle récemment dressée constituait « une première étape » à une stratégie de prévention des pénuries.
Abandon de 700 médicaments
La Commission appelle à « contrôler davantage la crédibilité des anticipations des industriels » concernant les produits les plus indispensables, en amont des saisons hivernales, de mieux contrôler les stocks obligatoires et « de renforcer les capacités de détection des risques de pénurie fondées sur les données de ventes et épidémiologiques ».
Tirant à boulets rouges sur la « financiarisation du secteur », la présidente de la commission a critiqué les gros laboratoires implantés en France « qui s'orientent de plus en plus vers l'export ». Ils pratiquent, selon elle, « une stratégie de lente éviction des produits matures », moins rentables que les médicaments innovants, mais « qui jouent souvent un rôle essentiel ».
Les résultats des investigations menées par la commission révèlent que « les industriels pharmaceutiques français envisagent dans les prochains mois et années d'abandonner la production de près de 700 médicaments, incluant des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur », ajoute-t-elle, mais sans donner d'exemples précis.
Elle pointe enfin un pilotage éparpillé de la politique du médicament en France et propose la création d'un secrétariat général au médicament sous l'autorité du chef du gouvernement, pour coordonner une action trop souvent menée « en silos ».
Avec AFP.
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