Quand des députés exigeant des réponses claires sur l'impact sanitaire du chlordécone rencontrent des scientifiques prudents dans leurs conclusions, cela donne des échanges tendus… Lors de leur audition par la commission d'enquête sur l'impact du chlordécone dans les Antilles, les chercheurs de l'INRA, du CIRAD, de l'IFREMER et de l'INSERM ont estimé ne pas disposer de suffisamment d'éléments pour établir un lien de cause à effet entre la forte prévalence de cancer de la prostate observée en Guadeloupe et en Martinique et ce pesticide massivement employé dans les plantations de bananes entre 1973 et 1993. Ces réponses ont provoqué des réactions d'incompréhension au sein de la commission, pour qui cela illustre le peu d'empressement des pouvoirs publics à financer des investigations sur les conséquences de l'exposition de la population.
Intervenant ce jeudi, le président de l'INSERM, Gilles Bloch, a évoqué les résultats de l'expertise collective de l'INSERM de 2013, actualisée en juin dernier. Cette dernière conclue à « une forte présomption de lien concernant l’exposition à un insecticide organochloré, le chlordécone ». Une présomption insuffisante pour Gilles Bloch : « Il faut aussi des études mécanistiques, et on est incapable de définir la fenêtre d'exposition des personnes ayant développé un cancer de la prostate », précise-t-il.
En Guadeloupe et en Martinique, les incidences du cancer de la prostate sont respectivement de 173 et de 164 pour 100 000 personnes années sur la période 2007-2014, près du double de celui estimé en France métropolitaine. La mortalité par cancer y est également plus élevée (23/100 000 personnes années contre 10/100 000 en France métropolitaine). Le rapport de l'INSERM nuance toutefois : « L’incidence du cancer de la prostate aux Antilles est du même ordre que celui observé chez les populations dites afro-américaines aux États-Unis et afro-caribéennes et africaines résidant au Royaume-Uni. » Pour Gilles Bloch, « il n’y a pas un surrisque majeur de cancer de la prostate en termes d’incidence par rapport à des populations génétiquement comparables ».
Passe d'arme
« Comment vous sentez-vous ? Êtes-vous sur la défensive ? Vous sentez-vous gêné ? » a immédiatement réagi, irrité, Serge Letchimy, député de la 3e circonscription de la Martinique et président de la commission. « Depuis 1976, des dizaines de rapports de l’OMS ou des autorités américaines convergent vers la dangerosité du chlordécone ! », a-t-il rappelé.
« On ne peut pas nous montrer du doigt sur tous les sujets qui touchent au chlordécone », s'est défendu Gilles Bloch, qui ne conteste pas la surimprégnation de la population antillaise (plus de 90 % selon Santé publique France) : « C’est un problème sanitaire potentiel qui doit être surveillé, notamment à l'aide de la cohorte TIMOUN » de femmes enceintes, résidentes en Guadeloupe et exposées aux pesticides organochlorés. Une cohorte dont le financement n'est, du reste, pas pérenne, a prévenu Gilles Bloch.
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