Jean-Marie Le Pen est mort à l’âge de 96 ans ce 7 janvier. Figure historique de l’extrême droite, le « menhir » a cofondé en 1972 le Front national, qu’il présidera pendant 38 ans, jusqu’en 2011, avant que sa fille, Marine, ne prenne les rênes du parti. Elle l’exclura en 2015 après ses propos négationnistes, racistes et homophobes, condamnés plusieurs fois par la justice.
Élu député pour la première fois sous la IVe République en 1956, il a accumulé les mandats (sept fois député européen, conseiller municipal de Paris, conseiller régional d’Ile-de-France puis de Paca) et fut candidat à l’élection présidentielle à cinq reprises. Le 21 avril 2002, il s’était qualifié pour le second tour avec 16,8 % des suffrages.
Une caisse d’assurance-maladie spécifique pour les étrangers
Lors de cette campagne, il n’avait consacré à la santé qu’un court chapitre de son programme (le 12e sur 16). Intitulé « Sauvegarder la santé », il tenait en deux propositions schématiques : « séparer les caisses d’assurance-maladie des Français et des étrangers » et « assurer une protection sociale identique pour tous les Français ». À l’époque, les médecins qui le soutiennent restent marginaux ; se trouve toutefois parmi ses premiers fidèles la Dr Joëlle Mélin, actuelle députée RN des Bouches-du-Rhône. À l’inverse, de nombreux praticiens luttent contre ses idées, à l’instar du Dr Georges Federmann, psychiatre à Strasbourg.
En mai 2002, notre rédacteur en chef et éditorialiste, Bruno Keller, qualifiait son programme santé de « dangereux retour en arrière ». « Création d'une caisse d'assurance-maladie réservée aux étrangers, suppression du remboursement du petit risque par la Sécurité sociale qui serait pris en charge par des assurances privées ou des mutuelles, suppression des contraintes conventionnelles pour les médecins, abrogation des lois sur l'IVG, dépistage systématique du SIDA, rétablissement du contrôle sanitaire aux frontières : les mesures que propose Jean-Marie Le Pen s'inspirent de ce qui constitue le corpus idéologique du Front national : xénophobie - au moins pour les ressortissants hors Union européenne -, réhabilitation de la préférence nationale, retour à l'ordre moral et aux valeurs traditionnelles, repli sur l'Hexagone, auxquels s'ajoute une certaine propension à la déréglementation et au libéralisme économique du moins limité au territoire national ».
Dans un entretien qu’il avait accordé au Quotidien quelques mois plus tôt, en 2001, Jean-Marie Le Pen critiquait « une conception de plus en plus socialiste du système de santé » et « la réduction progressive des libertés médicales, sous le prétexte du coût de plus en plus important des dépenses ». Il ciblait aussi les examens superflus de la part de certains médecins « qui ne sont pas sûrs de leur diagnostic », appelant à « un contrôle pour éviter ce genre de dérapage extrêmement coûteux ».
Le candidat d’extrême-droite expliquait soutenir la demande de revalorisation des généralistes libéraux « parce que cela permettra de garder une médecine de qualité et sa responsabilité au praticien ». Au sujet de l’omnipraticien, il exhortait à le « considérer comme un spécialiste, c’est-à-dire de le rémunérer pour une fonction qui est presque plus difficile et plus responsable que celle du spécialiste ». Jean-Marie Le Pen estimait en outre que « redonner de l’importance au généraliste » permettrait « d’éviter que le patient se précipite à l’hôpital ».
Durant la campagne de 2002, il insistait aussi la meilleure reconnaissance des hôpitaux de proximité « au service du bien commun national », qu'ils soient publics ou privés. Celui qui employa l’expression de « préférence nationale » voulait la « constitutionnaliser » pour l’établir notamment dans les établissements publics et appliquer son principe de la formation initiale jusqu’au recrutement hospitalier.
Marine Le Pen cible l’AME
Quid de l’héritage de Jean-Marie Le Pen en matière de santé et de Sécurité sociale ? Sa fille, Marine Le Pen, qui s’est exprimé souvent sur le secteur médical - à la fois sur les libéraux et l’hôpital – a surtout fait de la suppression de l’aide médicale d’État (AME) son cheval de bataille en santé et son marqueur politique. Elle entend y substituer une aide médicale d’urgence, en supprimant une large partie du panier de soins couverts. Son père parlait volontiers d’un rétablissement du « contrôle sanitaire frontalier ».
La question du numerus clausus, perçu comme un verrou inutile à l’entrée des études médicales, rapproche les deux Le Pen, là encore en établissant un lien avec les médecins étrangers. La fille, dès 2017, entendait le relever « pour éviter le recours massif aux médecins étrangers et permettre le remplacement des nombreux départs à la retraite prévus ». Auparavant, Jean-Marie Le Pen souhaitait carrément supprimer le numerus clausus : « La pléthore médicale est un mythe complaisamment répandu par les gouvernements et les médias », avançait-il.
Sur le plan sociétal, dans sa stratégie de normalisation du RN, Marine Le Pen, présidente du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, a rompu avec son père sur l’IVG, qu’elle a soutenue, y compris en votant pour son inscription dans la Constitution. Jean-Marie Le Pen entendait abroger les lois permettant aux femmes d’avorter légalement.
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