Trois mois après les premiers heurts entre émeutiers et forces de l’ordre, la situation en Nouvelle-Calédonie est toujours tendue, avec, comme toile de fond, la réforme du corps électoral. À date, onze personnes ont perdu la vie lors de ces affrontements, dont l’une ce jeudi 15 août. Sur place, un couvre-feu est maintenu de 22 à 5 heures.
Ce contexte a fait fuir de l’archipel quelque 80 médecins depuis « les événements », formule pudique utilisée là-bas pour parler de ces émeutes. Pendant la même période, seuls 15 praticiens se sont inscrits au tableau de l’Ordre. Des chiffres de radiation « beaucoup plus élevés » que la moyenne, souffle le président du Conseil de Nouvelle-Calédonie, le Dr Bruno Calandreau. Même si, précise-t-il, certains sont partis car en fin de contrat, notamment des hospitaliers ou des médecins de « dispensaire de brousse ». Le problème est que les médecins censés les remplacer annulent leur venue…
13 cabinets brûlés, 23 sinistrés
Et ils ne sont pas les seuls à plier bagage. C’est le cas également de praticiens victimes d’agressions ou qui ne veulent tout simplement pas se réinstaller en raison des violences des derniers mois. « Ce qui est dramatique, car, parfois, ce sont des généralistes bien implantés », note le psychiatre. Au total, l’Ordre comptabilise 13 cabinets brûlés et 23 sinistrés (locaux où les émeutiers sont rentrés, les ont pillés ou dévastés et ne sont donc plus fonctionnels).
Le « Caillou » pourra toutefois compter sur l’arrivée d’une vingtaine d’internes qui arriveront le 1er novembre. Les précédents, débarqués juste avant les émeutes au mois de mai, avaient vu leur internat saccagé, puis brûlé, avant d’être déplacé dans un quartier plus sûr.
Pas de transports publics
Sur place, les cabinets dégradés par les émeutiers sont en contact avec les assurances pour être reconstruits. D’autres, en banlieue de Nouméa, ne veulent plus se réinstaller ici et se déplacent dans le centre-ville, créant, de fait, des déserts médicaux. Ce qui est d’autant plus préjudiciable pour la population qu’il n’y a pas de transport public en état de marche depuis le 13 mai.
« Une catastrophe pour l’accès aux soins », déjà précaire, commente le Dr Calandreau, qui évoque la reprise des transports publics pour fin septembre. Toutefois, les véhicules sanitaires et les ambulances circulent plus ou moins normalement, notamment en raison de la diminution des barrages des « voisins vigilants », habitants qui s’organisent pour les défendre.
Solidarité entre confrères
Les médecins s’organisent alors pour s’entraider, notamment via un groupe Facebook « Médecins solidaires Nouvelle-Calédonie » et avec l’appui de l’Ordre, qui propose des entretiens psy pour ceux qui en ont besoin. Le Conseil local a également fait des prêts aux médecins, afin qu’ils puissent rouvrir leur cabinet. Avec comme principe cardinal : « votre sécurité avant tout ».
En ce sens, beaucoup de cabinets n’ouvrent que le matin, les heurts éclatant plutôt l’après-midi. D’autres praticiens se regroupent dans le centre, notamment ceux qui exerçaient en banlieue. « Aujourd’hui, la situation globale s’est à peu près stabilisée et assainie », rapporte toutefois le Dr Calandreau. L’hôpital de Nouméa, par exemple, est accessible sans danger.
Une date préoccupe toutefois les esprits : le 24 septembre, jour correspondant à la prise de possession de l’archipel par la France. Bien que ce jour férié ait été rebaptisé « fête de la citoyenneté », cette année, la crainte est que les partisans de l’indépendance du « Caillou » ne profitent de cette occasion pour la proclamer… ce qui pourrait envenimer la situation.
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