Pour mémoire, vendredi 23 août, Laurent Wauquiez, le chef de file du groupe « Droite républicaine » fort de ses 47 députés, dont fait partie le cardiologue isérois, sera reçu par Emmanuel Macron, dans le cadre de ses consultations, pour aboutir à la création d’un nouveau gouvernement. Refusant toute coalition, ils lui proposent un « pacte législatif ».
LE QUOTIDIEN : Où en est-on du PLFSS pour 2025 ?
DR YANNICK NEUDER : Honnêtement ? Nulle part ! Nous sommes prêts sur la partie technique : ayant pris mes fonctions de rapporteur en juillet, mon équipe parlementaire est constituée, le contact est pris avec les administrateurs et j’ai travaillé le sujet cet été. C’est politiquement que ça bloque. Catherine Vautrin m’a reçu et j’ai eu Frédéric Valletoux au téléphone, mais ce dernier n’a aucune info sur le sujet et la première m’a expliqué qu’en tant que ministre démissionnaire, elle n’est pas autorisée à travailler sur un PLFSS… Cela étant dit, Bercy et la direction de la Sécurité sociale, eux, le préparent activement.
C’est une situation inédite : vous êtes rapporteur, dans l’opposition, d’un budget Sécu sans majorité… Comment le faire voter ?
Je ne voterai pas le budget Sécu s’il ne me convient pas ! Cette situation inédite traduit bien la perte d’influence de la Macronie lors des européennes et des législatives. Il n’y avait pas de majorité avant la dissolution, il n’y en a pas plus maintenant et les postes stratégiques leur ont échappé ! Et cela va continuer avec les prochaines municipales… En tout cas, je serai un rapporteur à la disposition de l’ensemble des corps médicaux et sociaux, syndicats, Ordres, industrie pharmaceutique, formations continues et initiales, etc.
Ce budget sera inévitablement serré. Quelles sont les pistes d’économie que vous envisagez ?
Nous voulons mettre à l’ordre du jour les valeurs de la droite républicaine sur la méritocratie. Et pas sanctionner les Français sur les soins, mais bien sur la fraude, les téléconsultations exagérées, l’inefficience médicale et les arrêts de travail. Mais je regarderai volontiers aussi les agences para-étatiques (cela peut signifier les ARS, mais aussi la HAS, l’Anses, l’ANSM), qu’il conviendrait de dégraisser et débureaucratiser. Ce qui ne signifie pas les supprimer, mais regarder la pertinence des très nombreuses missions qu’elles ont.
Quid des transports médicaux, longtemps avancés par Bercy comme pouvant être rabotés ?
Je serai extrêmement vigilant sur ce point. Il faut avoir en tête la territorialisation de ces mesures. Quand je suis au CHU et que je ne signe pas un bon de transport pour un patient qui habite Grenoble, alors qu’il y a littéralement un tramway au pied du bâtiment, cela n’a pas le même impact que s’il habitait à 50 kilomètres de l’hôpital ! En ce sens, je m’opposerai à toute suppression de bon de transport quand le territoire est dépourvu de transport en commun. Car supprimer ce bon de transport, c’est aussi supprimer un accès aux soins.
Dans votre pacte législatif, vous souhaitez une grande loi santé. N’est-ce pas ambitieux ?
Rentrons dans le vif du sujet – et surtout au-delà du PLFSS, exercice schizophrène d’utilisation de tableurs Excel – il faut une loi de financement pluriannuelle. Car le PLFSS 2025 ne va pas résoudre le déficit de la Sécurité sociale. Il faut cette trajectoire budgétaire, en premier lieu, mais aussi une réforme de réorganisation de l’hôpital et, évidemment, une grande loi sur la formation médicale.
Sur ce point, je note la dernière goutte qui fait – une fois de plus – déborder le vase, avec la suppression des 1 510 postes d’internes. C’est dingue cette succession de réformes mal faites et précipitées, résultant de la loi d'organisation et de transformation du système de santé (OTSS), mettant en place le numerus apertus, la Pass-Las et l’absence de redoublement possible, ce qui a fait bondir les départs à l’étranger. Et je comprends totalement ces étudiants, qui décident d’une spécialité dont laquelle dépendra leur vie. Le gouvernement a confondu vitesse et précipitation et a enlevé des postes pour contraindre le choix des étudiants… Mais on ne rend pas une spécialité plus attractive en diminuant son nombre de postes ! Au contraire, cela va provoquer des abandons ou des étudiants frustrés de leur choix. Créons plutôt des passerelles. Et arrêtons d’emmerder les étudiants en médecine de France !
Dans ce même pacte législatif, vous proposez de remplacer l’aide médicale d’État (AME) en aide médicale d’urgence. Pourtant, on vous sait prudent sur le sujet…
C’est une grande symbolique pour certains Français. Et je comprends qu’il y ait un sentiment d’injustice, dès lors qu’on accorde une prise en charge à 100 % par la Sécu à des personnes en situation irrégulière, pour ceux qui ont travaillé toute leur vie, avec une petite retraite et un reste à charge quand ils se font soigner.
Maintenant que j’ai dit cela, l’AME, c’est 1,3 milliard en 2023, donc bien loin des dépenses de la Sécu à hauteur de 257 milliards. Je souhaite qu’on regarde ce sujet avec l’œil médical plus que financier. Par exemple : un étranger en situation irrégulière pris en charge pour un infarctus : il faut agir, car sinon, nous condamnons à mort cette personne, d’autant plus s’il n’a pas accès à ces soins dans son pays. Je suis médecin, il est hors de question que je revienne sur mes principes.
En revanche, interrogeons-nous sur les actes médicaux pour les personnes de l’étranger avec un visa touristique – donc en situation régulière – qui viennent en France chercher des molécules onéreuses, comme de l’immunothérapie. Car on a mis beaucoup de choses dans cette AME, mais elle sert aussi à avancer des frais de santé pour des personnes, certes étrangères, mais qui ne sont pas forcément pauvres, comme des Canadiens ou des Américains. Ce n’est pas à notre Sécu de les prendre en charge, peut-être faudra-t-il le spécifier.
Enfin, un mot sur Laurent Wauquiez, héraut de la droite anti-Ciottiste et a fortiori votre ami, que vous souhaitez porter au sommet de l’État…
Je trouve qu’il a très bien réussi son arrivée à l’Assemblée nationale. Il a été naturellement élu président du groupe, tout en étant très à l’écoute des différents députés. Et c’était très clair : la ligne politique, qui peut ne pas convenir à tout le monde, est qu’il n’y aura pas de coalition. Nous proposons, a contrario, une vision, sur le fond, symbolisée par ce pacte législatif, précisons-le, partagé et coordonné avec les sénateurs, menés par Bruno Retailleau. Nous ne voulons plus de lutte entre nous, élus de la même famille. Le traumatisme de la trahison d’Éric Ciotti nous a permis, mine de rien, de repartir et d’avoir une position claire : nous voterons tout ce qui est utile pour le pays. Il n’y aura donc pas d’obstruction systématique. Nous construisons, en quelque sorte, le début du commencement pour 2027 !
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