HÉRITIER de Claude Olievenstein, le Dr Alain Morel**, 56 ans, se plaît à rappeler que la drogue fait son lit du mal-être de la société. En tant que membre actif de l’ANITEA, qui tient ses 30 es Journées nationales à Paris, les 11 et 12 juin, avec pour thème« Grandir parmi les addictions »,il n’a cessé d’ouvrir des espaces relationnels et de créer des « alliances » dans ses consultations de psychiatrie avec les usagers.
Au commencement, il se mettra à l’écoute des hippies en révolte, puis des toxicos de l’ère de la « massification des produits, héroïne en tête, qui gagneront banlieues, campagnes et milieux festifs ».Puis arrive le sida. « Il fallut intégrer de nouvelles pratiques s’articulant autour de la réduction des risques, sans nous départir du respect de la personne, cher à nos aînés, et qui reste toujours à promouvoir. »
Avant même de s’en remettre à une quelconque théorie ou thérapeutique, il lui apparaît fondamental de s’inviter chez l’usager, pour découvrir d’où il vient et le contexte dans lequel il évolue. Malheureusement, déplore-t-il, le toxicomane « demeure toujours l’objet d’une stigmatisation sociale et morale », avec la loi du 31 décembre 1970 qui en fait, au nom de la sécurité, un délinquant passible d’un an de prison, ce alors que les milieux festifs et le monde du travail sont devenus de nouveaux terrains d’addictions, de même qu’Internet et les jeux d’argent.
Quelles limites ?
Sur le papier, il n’existe plus de cloisonnement entre substances : l’alcool et le tabac relèvent aussi de l’addictologie. Mais cette dernière, met en garde Alain Morel, n’est pas sans entraîner de risque de « surmédicalisation, de surpathologisation de la vie quotidiennne ». « Il nous revient, à nous intervenants en toxicomanie, de nous poser des questions sur nos propres limites. Nous sommes tous concernés par les addictions, pas seulement les populations déviantes ou pathologiques », souligne le spécialiste. Dans sa tête se bousculent des images qui donnent de la chair à ses propos. « Je débutais en psychiatre, en Haute-Savoie. Je témoignais au procès de plusieurs jeunes poursuivis pour délits d’usage et de revente. Des rencontres fortes nous rapprochaient, comme l’âge. Aujourd’hui, je suis là et la plupart d’entre eux ont été emportés par une surdose et surtout le sida. » Il se revoit également en Angleterre, dans les années 1990, quand il dirigeait l’ANITEA, découvrant des démarches « tout autant humanistes qu’en France, voire plus fructueuses et proches des gens. On expliquait aux infirmières comment faire une injection d’héroïne au lieu de fermer les yeux. »
N’oublions pas que dans nos sociétés qui se cherchent, des vies d’hommes sont en jeu, laisse entendre Alain Morel, qui a grandi en addictions via l’ANITEA depuis trente ans.
** Le Dr Alain Morel, secrétaire général de la Fédération d’addictologie, est directeur de l’association Oppelia (Evry, Essonne), qui gère une douzaine de centres de soins en région parisienne, en Seine-Maritime et en Haute-Savoie.
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