DANS LA LITTÉRATURE les termes anuscopie magnifiée et anuscopie haute résolution (AHR) sont synonymes. Il s’agit en fait de l’emploi en proctologie du colposcope utilisé initialement dans l’examen du col utérin. L’AHR est pratiquée à travers un anuscope ou un écarteur, avec ou sans sédation. Elle est couplée à des colorations vitales. L’application d’acide acétique induit le blanchiment des tissus à forte concentration en matériel nucléique (secondaire à la prolifération intracellulaire du virus HPV), par coagulation réversible. Le lugol colore le glycogène ; les dysplasies (ou AIN pour anal intra-épithélial neoplasia) sont iodonégatives. L’indigo carmin, moins utilisé, permet un rehaussement du relief.
Mise en évidence des lésions de surface.
Typiquement une AIN de grade 1 est bien limitée, prend l’acide acétique de façon modérée et fugace ; l’ascension des capillaires est minime et régulière. Au cours des AIN3 les capillaires sont disposés de façon anarchique donnant un aspect ponctué ou en mosaïque irrégulière ; la réaction à l’acide acétique est intense. Les biopsies peuvent ainsi être dirigées vers les zones les plus suspectes. L’AHR est impérativement couplée à un relevé précis des données endoscopiques et des biopsies, reportées sur des schémas, au mieux accompagnés de photographies.
Guider la décision et le traitement.
L’AHR a 3 objectifs : détecter des lésions, caractériser une lésion connue par ailleurs, évaluer l’extension superficielle d’une lésion (schéma 1). Cet examen est long et consommateur de moyens ; il n’a pas de cotation dans la CCAM. Il ne peut donc être réalisé ni en première ligne, ni de façon systématique. Ce n’est pas un examen de dépistage de masse du cancer, y compris dans les populations à risque. Pour ce faire, le consensus retenu est celui d’un simple examen visuel systématique notamment chez les sujets VIH+ et/ou homosexuels masculins.
La recherche de lésions par AHR, est décidée après un frottis positif ou dans le suivi d’une néoplasie anale intra-épithéliale (AIN) traitée, afin de détecter une récidive. On peut en rapprocher le suivi d’un patient après découverte fortuite d’une AIN sur pièce d’hémorroïdectomie, ou sur la biopsie d’exérèse d’une lésion en fin de coloscopie qui n’est plus repérable par anuscopie standard. Le rythme des examens dans cette indication, en dehors de protocole spécifique, n’est pas validé. La caractérisation des lésions par AHR est utile quand l’examen proctologique standard constate des anomalies de surface difficiles à interpréter ; cette difficulté peut être liée à de multiples raisons : chirurgies préalables, kératinisation d’un prolapsus hémorroïdaire… Enfin en cas d’AIN avéré, l’AHR est le seul examen à pouvoir déterminer les limites d’extension en surface. Techniquement, l’examen peut être limité du fait d’un anus très cicatriciel ce qui induit des artefacts et des difficultés d’interprétation, ainsi que par une sténose anale.
Souvent promue par des centres très investis dans la pathologie à HPV, l’AHR est un examen de seconde intention qui, à côté d’atouts indéniables, conserve quelques restrictions. À commencer par le relatif inconfort de l’examen et sa tolérance imparfaite surtout en cas de répétition. Le recours à l’AHR reste également entravé par l’accessibilité au matériel et à des praticiens formés, la difficulté d’apprentissage et un impact mal évalué. Ce d’autant que l’examen visuel ne peut pas encore se substituer à l’étude de biopsies.
Une situation susceptible d’évoluer.
Certains centres proposent ainsi des formations à la technique et à la lecture des images. Ensuite, le dogme d’une ablation systématique des tissus en dysplasie de haut grade est régulièrement discuté ; l’alternative - traitement ou surveillance - est d’autant plus débattue, que l’impact et les coûts des traitements sont importants. La prise en charge des lésions très étendues comporte des gestes à morbidité élevée, notamment au plan fonctionnel et n’empêche pas toujours la récidive.
On manque encore actuellement de données sur l’histoire naturelle des néoplasies anales intra-épithéliales. Financée par le SNFGE*, à l’initiative de la SNFCP**, une cohorte se met en place afin de répondre à cette question, permettant d’espérer une réponse d’autant plus importante que l’incidence du cancer de l’anus est en augmentation. Cette cohorte va proposer le suivi sur plusieurs années des patients porteurs d’un AIN 3. À l’issue d’une telle étude, il est possible que l’histoire naturelle autorise une simple surveillance des zones à risque du canal anal (zone intermédiaire et pecten) en limitant les biopsies en cas de modification de l’aspect.
Institut mutualiste Montsouris, unité médico-chirurgicale de pathologie digestive, clinique du Trocadéro (Paris), Université Paris V.
Conflits d’intérêts : aucun
*Société nationale française de gastroentérologie
** Société nationale française de coloproctologie?
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024