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Cancer : de la prévention à l’accès aux innovations, les enjeux de la stratégie décennale

Par Charlène Catalifaud - Publié le 09/04/2021
Cancer : de la prévention à l’accès aux innovations, les enjeux de la stratégie décennale

Réduire significativement le poids des cancers dans le quotidien des Français
Phanie

Présentée le 4 février par Emmanuel Macron, la stratégie décennale de lutte contre les cancers a vocation à réduire le fardeau du cancer pour tous, à travers plus de 200 mesures.

Réduire significativement le poids des cancers dans le quotidien des Français. Telle est l’ambition de la stratégie décennale de lutte contre les cancers qui succède au troisième plan cancer quinquennal. « Dix ans, cela change tout : c’est de la visibilité pour tous les acteurs, des paris que l’on se permet, et donc la promesse de davantage d’innovations de rupture, de plus de transformations en profondeur », avait déclaré le président de la République le 4 février dernier, à l’occasion du lancement de la stratégie.

Un budget de 1,74 milliard d’euros est prévu pour la période 2021-2025, soit une augmentation de 20 % par rapport au plan 2014-2019. « Ces 20 % supplémentaires sont dédiés à la recherche », a détaillé le Pr Norbert Ifrah, président de l’Institut national du cancer (INCa), lors des 14es Rencontres sur le cancer.

« Le plan cancer 3 a permis des avancées majeures dans un grand nombre de domaines », lit-on dans un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. La mise en œuvre du droit à l’oubli en est un élément clé. « C’est une invention française que le monde entier nous envie, née d’une demande des associations de patients », souligne le Pr Ifrah. Il a également salué, entre autres, les progrès en termes de lutte contre le tabagisme, la mise à disposition des immunothérapies et les efforts réalisés pour les cancers pédiatriques.

Un tiers des mesures lancé en 2021

Cette stratégie décennale de long terme vise à consolider ces acquis, avec des objectifs encore plus ambitieux. « Nous avons identifié des priorités pour lesquelles nous estimons que les progrès ne sont pas encore suffisants », a indiqué Thierry Breton, directeur général de l’INCa, lors d’un Café Nile le 24 mars dernier. Des objectifs quantitatifs ont ainsi été définis (cf. encadré), et quelque 234 mesures ont été construites autour de quatre axes. « Le premier tiers sera lancé dès 2021, et quasiment un autre tiers avant la fin 2022 », a annoncé le Pr Ifrah.

Le premier axe vise à améliorer la prévention, en s’attaquant en priorité aux 40 % de cancers évitables. La mise en œuvre d’un programme national de prévention du risque alcool et la labellisation de réseaux de recherche en prévention primaire sont notamment prévues.

L’objectif du deuxième axe est de limiter les séquelles et d’améliorer la qualité de vie, alors que cinq ans après un diagnostic de cancer, deux tiers des patients souffrent de séquelles. « La progression générale de la survie à cinq ans est très nette, mais nous devons nous attaquer résolument à la réduction des séquelles, avec une impulsion supplémentaire par rapport à ce qui a été fait », avance Thierry Breton.

Et alors que tous les cancers n’ont pas bénéficié des mêmes progrès, lutter contre les cancers de mauvais pronostic est le troisième axe de cette stratégie. « Il s’agit notamment des cancers du poumon et des cancers du sein triple négatif. Il faut renforcer les efforts de recherche sur ces cancers », commente le directeur général de l’INCa.

Enfin, quatrième axe : s’assurer que les progrès bénéficient à tous, que ce soit en termes de prise en charge de qualité, de recours aux innovations diagnostiques, d’accès aux traitements innovants… « L’objectif est de construire des solutions pour que l’innovation bénéficie au plus grand nombre », explicite Thierry Breton. Dans cette optique, le Pr Ifrah a annoncé la mise en œuvre d’un dispositif inédit : « nous allons lancer une consultation et un dispositif de fin de traitement avec un suivi organisé à long terme pour les patients guéris ». Soulignant l’intérêt des réseaux, le président de l’INCa a aussi insisté sur la volonté « que tout soit organisé pour que les patients reçoivent les soins les mieux adaptés à leur situation, au plus près de leur domicile », avec pour cela le renforcement du lien ville-hôpital.

Appels à projets « High Risk-High Gain »

Pour mener à bien cette stratégie, « nous avons souhaité mettre en œuvre un ensemble d’actions cohérent, utilisant différents leviers pour espérer avoir un impact réel sur la vie de nos concitoyens, détaille Thierry Breton. C’est en additionnant la force de chacune des mesures que nous pourrons obtenir un résultat et créer un environnement propice au changement ».

La recherche est au cœur des différents axes de la stratégie, qui prévoit notamment de promouvoir les appels à projets de type « High Risk-High Gain ». Ces derniers visent à favoriser « des projets disruptifs et porteurs d’innovation, mais dont la maturité n’est peut-être pas suffisante pour être retenu dans les grands appels à projets », explique le directeur général de l’INCa. Deux appels de ce type vont être publiés cette année, l’un sur les cancers de mauvais pronostic et l’autre sur ceux de l’enfant et des jeunes adultes. Des actions de structuration de la recherche doivent également être engagées.

Améliorer le service rendu

La notion d’amélioration du service rendu fait aussi partie intégrante de la feuille de route. « La stratégie est émaillée de cette volonté de changer le quotidien. Ce que nous imaginons doit bénéficier au quotidien de nos concitoyens, professionnels de santé inclus », note Thierry Breton. Cela se traduit notamment par de nouveaux outils informatiques pour, par exemple, faciliter les démarches administratives.

Le Pr Ifrah a par ailleurs rappelé l’implication des citoyens dans l’élaboration de cette nouvelle stratégie : « les attentes de la population ont été mises en évidence par deux consultations citoyennes, en 2018 et en 2020. L’accès à l’innovation et les questions environnementales sont les préoccupations majeures des citoyens ». Et de noter que 10 % des mesures concernent les cancers liés à l’environnement.

En parallèle de cette stratégie, la Commission européenne dévoilait le 3 février dernier le Plan européen pour vaincre le cancer, doté d’un budget de près de quatre milliards d’euros. D’après la Pr Véronique Trillet-Lenoir, cancérologue et députée européenne, « tous les points de ce plan sont parfaitement en accord avec la stratégie française ».

C. C.