Un traitement par ultrasons focalisés en lieu et place d'une prostatectomie ou d'une radiothérapie dans le cancer de la prostate au stade 2… C'est la promesse faite par les résultats de l'étude Hifi, menée pendant 7 ans au sein de 46 centres français (dont 24 établissements privés lucratifs et 14 CHU), dont les résultats ont été rendus publics, vendredi 4 avril au CHU de Nîmes après une publication dans la revue European Urology.
Déjà utilisés, notamment aux États-Unis, ces ultrasons focalisés à haute intensité (Hifu), permettent de cibler uniquement la tumeur afin de préserver l'organe et ses tissus sains. « Dans le cas du cancer de la prostate, l'enjeu est également de préserver les fonctions adjacentes, que sont les fonctions urinaires et sexuelles du patient », précise le Pr Pascal Rischmann, ancien président de l’Association française d'urologie (AFU), de l’Académie nationale de chirurgie et coordinateur principal de l’essai Hifi.
Une efficacité comparable avec moins d’effets indésirables
Cette étude, la plus importante jamais menée dans le secteur au niveau mondial, met notamment en exergue que les taux de survie sans progression de la maladie à trois ans sont comparables à ceux observés en cas de prostatectomie totale. Avec en prime des effets indésirables moindres. « Les fonctions urinaires et sexuelles sont davantage préservées. Par ailleurs, une autre étude menée en parallèle par les mêmes équipes, a montré que le traitement par Hifu permet de rattraper un échec de radiothérapie de première ligne dans environ trois quarts des cas », soutient le Pr Rischmann, désormais retraité du secteur public.
Ces résultats confirment une étude monocentrique publiée en 2012 dans The Lancet. À l’époque, des chercheurs britanniques avaient mis en évidence un contrôle à 12 mois de la maladie de 90 %, ainsi qu'une préservation des fonctions érectiles dans 90 % des cas. L’étude française, menée sur 30 mois avec un recrutement échelonné sur 7 ans, affiche des résultats similaires : 95 % des patients ont été traités en une séance, 5 % en deux.
L’un des reproches pouvant être adressés à l’étude concerne la différence d’âge entre les patients traités par Hifu (âge moyen de 74,1 ans) et ceux ayant subi une prostatectomie (65,1 ans). « Pour des raisons éthiques, nous ne pouvions proposer le traitement par Hifu qu’à des patients de plus de 69 ans. Mais nos résultats démontrent qu’il n’y a pas de biais lié à l’âge », précise le Pr Rischmann. En tout, 10 % des patients traités par Hifu ont eu besoin d’un traitement de rattrapage (chirurgie ou rayons), contre 13 % des opérés, chez qui des radiothérapies – avec ou sans hormonothérapie – ont été proposées en seconde ligne.
Une technique pionnière du forfait innovation
La publication française se veut une illustration de la réussite du forfait innovation, dont l'étude Hifi fut la première à bénéficier en France en 2014. « Grâce aux financements obtenus (21,5 millions d'euros, NDLR), nous avons pu à la fois prouver un intérêt thérapeutique, former des centres à une technique, concourir au développement d'un produit industriel (FocalOne, NDLR) et surtout permettre à 90 % des patients de ne pas avoir recours à un traitement radical », indique le spécialiste.
L'impact médico-économique serait loin d'être négligeable selon les auteurs. Une séance d’Hifu coûte presque deux fois moins cher qu’une radiothérapie, sans compter les frais annexes, par exemple liés au transport. « Au final, pour l’Assurance-maladie, c’est un coût nul, voire une économie », assurent-ils. Sur les quelque 50 000 nouveaux cas de cancer de la prostate diagnostiqués chaque année en France, environ 15 000 pourraient bénéficier de cette approche, toujours couverte par le forfait innovation en attendant une nomenclature définitive de la part des autorités de santé.
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