L’oncogénétique est née il y a maintenant 30 ans grâce à la contribution de familles à cas multiples de cancers, qui ont permis l’identification des premiers gènes de prédisposition. Les premières indications de tests génétiques sont restées longtemps fondées sur la seule histoire familiale. Trois éléments contribuent aujourd’hui à élargir leurs indications :
- le fait que l’histoire familiale n’est pas un marqueur sensible, ni spécifique, de prédisposition, en particulier pour les cancers du sein et de l’ovaire (représentant en 2017 60 % des tests « cas index » [1] en France) ;
- le séquençage de nouvelle génération (NGS) très haut débit, disponible en laboratoire depuis 2014, permet d’augmenter singulièrement le nombre de patients testés et de gènes séquencés ;
- l’intérêt thérapeutique de la mise en évidence, directe ou indirecte, de l’inactivation tumorale de certains gènes de prédisposition : inhibiteurs de PARP et inactivation BRCA1 ou BRCA2 (2), anti-PD-1/PD-L1 et instabilité des microsatellites (3).
Quand tester les gènes de prédisposition ?
Une étude des gènes de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire doit aujourd’hui être proposée dès le diagnostic à toutes les femmes atteintes d’un cancer de l’ovaire de haut grade quel que soit l’âge au diagnostic ou l’histoire familiale, ainsi qu’à toutes celles présentant un cancer du sein avant 36 ans ou une atteinte triple négative (TN) avant 51 ans. Ces indications sont fondées sur un certain arbitraire : le taux d’altérations pathogènes identifiées et les capacités de test des laboratoires. Selon le rapport d’activité oncogénétique 2017 publié par l’INCa en février 2019, les indications toutes prédispositions confondues ont conduit à l’identification d’un variant pathogène dans 13 % des cas et celles des prédispositions aux cancers du sein et de l’ovaire dans 9,5 % des cas. Nous allons probablement vers un élargissement plus important des indications.
Des panels de gènes pour le séquençage
Le NGS permet de séquencer un grand nombre de gènes. C’est ainsi que le Groupe génétique et cancer d’UNICANCER (GGC) a défini en novembre 2017 devant une suspicion de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire un panel de 13 gènes dont l’étude a une utilité clinique : BRCA1, BRCA2, PALB2, CDH1, MLHI, EPCAM, MSH2, MSH6, PMS2, PTEN, RA51B, RAD51C, TP53 (4,5). Un panel de 14 gènes en cas de suspicion de prédisposition aux cancers colorectaux a été publié en mars 2019. Néanmoins, il s’agit davantage de panels de lecture et d’interprétation que de panels de séquençage proprement dit (6). En effet, la plupart des laboratoires séquencent des panels de plus de 50 gènes et interprètent les gènes en fonction de l’indication diagnostique. Ils peuvent aussi séquencer en même temps des gènes de recherche. C’est ainsi que l’étude TUMOSPEC explore des gènes de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire candidats comme ATM, CHK2, BRIP1, BARD1, NBN.
Des recherches à poursuivre…
Le panorama des prédispositions aux cancers étant encore incomplet, la recherche est essentielle et inhérente à l’oncogénétique. Les travaux portent essentiellement sur l’identification de nouveaux gènes de prédisposition (TUMOSPEC), la classification de variants de signification inconnue dans les gènes « diagnostic » (véritable cauchemar des généticiens cliniciens et moléculaires) et l’identification de facteurs modificateurs des risques tumoraux, génétiques ou non, afin d’avoir une estimation individuelle des risques. Ces études nationales reposent sur la contribution des familles et des collaborations internationales. Enfin, les situations individuelles ou familiales les plus sévères, dont les études en panel sont négatives, peuvent être explorées dans le cadre du plan France médecine génomique 2025. Une réunion de concertation pluridisciplinaire nationale, sous l’égide du GGC, a été mise en place.
Des modalités de prescription à redéfinir
L’intérêt des inhibiteurs de PARP - dans le traitement des patients atteints de cancer de l’ovaire, du sein, du pancréas, de la prostate et porteurs d’une altération constitutionnelle des gènes BRCA1, BRCA2 ou dont la tumeur présente une inactivation acquise ou somatique - conduit à redéfinir les circuits de test génétique (2). L’analyse tumorale est souvent réalisée en première intention et, en cas d’altération identifiée, au niveau constitutionnel. En effet, une altération de BRCA1 ou BRCA2 est constitutionnelle dans 75 % des tumeurs mammaires ou ovariennes détectées et 50 à 60 % des cancers du pancréas ou de la prostate. En somme, il est nécessaire, surtout en l’absence d’indication de consultation de génétique, d’anticiper la probable origine constitutionnelle d’un marqueur recherché dans une perspective thérapeutique et d’en informer le patient. Des recommandations sur les modalités de prescription des tests BRCA1/2 à visée théranostique devraient être prochainement publiées par l’INCa.
Quelles que soient les modalités d’identification d’un facteur génétique de prédisposition, les patients et leurs apparentées doivent être informés, accompagnés et pris en charge de façon adaptée. L’INCa a mis en place 17 programmes régionaux ou interrégionaux de suivi. Ils émettent, le plus souvent en réseau, des programmes personnalisés de suivi et sont aussi centre de recours (7).
Service de génétique, Unité INSERM U830, Institut Curie ; Université Paris Descartes, Sorbonne (Paris)
(1) Oncogénétique en 2017/ consultations et laboratoires. https://www.e-cancer.fr
(2) Gourley C et al. J Clin Oncol. 2019;37:2257-69
(3) Luchini C et al. Ann Oncol. 2019
(4) Moretta J et al. Bull Cancer 2018;105:907-17
(5) http://www.unicancer.fr/recherche/les-groupes-recherche/groupe-genetiqu…
(6) Colas C et al. Breast 2019;45:29-35
(7) Oncogenetique en 2016/consultations, laboratoires et suivi. https://www.e-cancer.fr
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