Alors que le mois d'octobre est consacré à la lutte contre le cancer du sein, le Dr Bruno Cutuli, oncologue-radiothérapeute à l'institut du cancer Courlancy de Reims et président de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM), fait le point sur les spécificités de la prise en charge des femmes développant un cancer du sein avant 40 ans.
Cette thématique devait faire l'objet du congrès annuel de la société à Nice en novembre, qui a été reporté en raison du contexte sanitaire. Les femmes jeunes représentent environ 5 % des cancers du sein invasifs diagnostiqués en 2018.
« Environ 45 % des patientes de moins de 40 ans ont un antécédent familial au premier ou au deuxième degré », indique le Dr Cutuli. D'autres facteurs de risque ont été identifiés chez les femmes jeunes comme la puberté précoce, le fait de ne pas avoir d'enfant, une première grossesse à un âge tardif et la découverte d'une lésion précancéreuse.
Des facteurs de risque souvent absents
« Un autre facteur est moins connu : les radiations ionisantes à fortes doses que les jeunes filles traitées pour une maladie d’Hodgkin au cours de l'enfance ou de l'adolescence ont reçues », ajoute le Dr Cutuli. Des mutations génétiques au niveau des gènes BRCA1-BRCA2 ou PALB2 sont par ailleurs retrouvées chez 8 à 10 % des patientes. « Ces mutations multiplient le risque de cancer du sein à long terme par cinq voire six par rapport à la population générale, la mutation BRCA1 étant associée au risque le plus fort », précise l'oncologue. Mais il reste que, dans la majorité des cas, les femmes ne présentent pas de facteurs de risque particuliers.
Les femmes jeunes étant exclues du dépistage organisé — qui concerne les 50-74 ans —, « c'est souvent la patiente elle-même qui découvre la tumeur par autopalpation », souligne le Dr Cutuli. Une rétraction cutanée au niveau du sein (fossette), une anomalie du mamelon (avec ou sans écoulement sanguin) ou un ganglion au niveau de l'aisselle sont aussi évocateurs de cancer du sein.
Chimiothérapie néoadjuvante pour conserver le sein
« La mammographie reste indispensable pour confirmer le diagnostic et est complétée par l'échographie au moindre doute. Les femmes jeunes ayant souvent des seins denses, l'interprétation de la mammographie peut être difficile, explique le Dr Cutuli. L'IRM peut apporter un complément d'information, notamment en cas de résultats discordants entre imagerie et clinique ». Une biopsie permet ensuite de confirmer le diagnostic et de catégoriser le type tumoral. Les tumeurs exprimant les récepteurs hormonaux sont majoritaires mais moins fréquentes que chez les femmes plus âgées. Celles avec surexpression de HER2 représentent 20 % des cas, suivies par les formes triples négatives (15 à 20 %).
« Les cancers de la femme jeune sont donc souvent agressifs d'un point de vue histologique, et souvent associés à une atteinte des ganglions, avec des lésions de haut grade et des embolies vasculaires », détaille l'oncologue.
Concernant les modalités thérapeutiques, « nous réalisons souvent chez les femmes jeunes une chimiothérapie néoadjuvante pour réduire le volume tumoral et essayer d'augmenter le taux de chirurgie conservatrice », rapporte le Dr Cutuli, précisant que la radiothérapie est systématique après une chirurgie conservatrice pour réduire le risque de récidive locale. Les indications de radiothérapie sont aussi fréquentes après mastectomie qui reste nécessaire dans un tiers des cas.
Préserver la fertilité
La préservation de la fertilité est également un élément clé de la prise en charge des femmes jeunes atteintes de cancer, alors que la chimiothérapie peut fortement réduire la réserve ovocytaire des femmes, qui diminue aussi spontanément après 35 ans. « Le désir de grossesse doit donc être discuté avec la patiente en vue d'adapter la chimiothérapie si besoin et éviter certains produits très gonadotoxiques », avance le Dr Cutuli. Une cryopréservation ovocytaire peut aussi être discutée. Avant le début d'une grossesse et en cas d'hormonothérapie, « il est recommandé d'attendre deux à trois ans », préconise l'oncologue.
Au-delà de cette prise en charge, les soins de support tels que l'activité physique adaptée, les conseils nutritionnels ou encore la prise en compte de la vie sexuelle ainsi que l'accompagnement vers le retour à la vie professionnelle sont primordiaux.
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