Quand on examine la survie des patients ayant eu un cancer pulmonaire avancé non à petites cellules (CPNPC) traités par immunothérapie au sein d’une cohorte américaine Medicare de près de 200 000 patients en vraie vie, on ne retrouve pas le bénéfice de ce traitement, mis en évidence au sein des essais contrôlés pivots. La différence entre la survie observée et attendue est très importante. À tel point que, dans la cohorte, la survie sous immunothérapie (pembrolizumab) n’est pas supérieure à celle observée sous chimiothérapie. Cette différence pourrait néanmoins en partie être lié à la sélection des patients, les plus âgés ayant été plus souvent mis sous immunothérapie.
Une cohorte Medicare de près de 20 000 plus de 66 ans, en première ligne
La cohorte rassemble près de 20 000 patients naïfs, traités pour un CPNPC avancé en première ligne, entre début 2016 et fin 2018. Parmi eux, près de 3 000 ont reçu du pembrolizumab en monothérapie, 1 400 une association chimio-immunothérapie (pembrolizumab/platine/pemetrexed), les autres étant traités par chimiothérapie seule (platine/pemetrexed ou platine/taxane).
Ces sujets ont 74 ans d’âge médian. Près de la moitié sont des femmes.
Entre le début d’entrée dans la cohorte en 2016 et la fin en 2018, le recours à l’immunothérapie a largement progressé, passant de moins de 1 % à 40 %.
L’analyse met en évidence que les patients mis sous immunothérapie seule avaient tendance à être plus âgés – 80 % ont plus de 70 ans – à être un peu plus souvent des femmes et à présenter un score de risque (RSI) plus élevé. Le critère primaire est la survie après initiation du traitement.
Des survies bien loin des données d’études cliniques
La survie médiane des sujets sous pembrolizumab seul est de 11 mois, celle de ceux sous immuno-chimiothérapie de 13 mois. Soit deux survies substantiellement plus courtes que celles observées dans les essais randomisés, puisqu’on était respectivement à 15 mois supplémentaires pour la monothérapie (Keynote-024) et à 10 mois supplémentaires pour l’association immuno-chimiothérapie (Keynote-189).
Quand on regarde les survies ajustées, on est autour de 11 à 12 mois dans tous les groupes de traitement. En effet, après analyse multivariée comme après ajustement sur les scores de propensité, la survie sous pembrolizumab ne diffère pas de celle sous chimiothérapie (platine/pemetrexed ou platine/taxane), et la survie sous immuno-chimiothérapie ne diffère pas de celle sous chimiothérapie (pembrozilumab/platine/pemetrexed versus platine/pemetrexed). Bref, dans cette cohorte, immunothérapie, immuno-chimiothérapie et chimiothérapie seule, sont associés aux mêmes survies après ajustement.
Bénéfices limités chez des patients âgés et fragiles
Pour les auteurs, plusieurs mécanismes peuvent être à l’origine de cette survie, limitée par comparaison aux études cliniques. Il y a bien sûr d’abord le risque de biais. Ainsi, les patients mis sous immunothérapie avaient un score de risque plus élevé. Et cela ne pouvait complètement être gommé par le score de propensité. Par ailleurs, la population de Medicare soufrant d’un CPNP est bien différente de celle des essais cliniques. Ils ont tous plus de 66 ans et un âge médian de 74 ans. Soit 10 ans de plus que les patients des essais cliniques Keynote-24 et Keynote-189. Or, le bénéfice de l’immunothérapie met du temps à s’exprimer. Chez des patients âgés et fragiles, le temps est d’autant plus compté… Quand la chimiothérapie a une action rapide.
On peut aussi se demander si l’immunothérapie seule n’a pas été prescrite de manière disproportionnée chez des patients ayant beaucoup de comorbidités, par crainte qu’ils tolèrent mal la chimiothérapie. Bref, il est difficile d’écarter des biais mais, en pratique clinique, dans cette cohorte dans la vraie vie, les bénéfices de l’immunothérapie sont limités.
(1) KL Kehl et al. Association Between First-Line Immune Checkpoint Inhibition and Survival. JAMA Network Open. 2021 ;4(5):e2111113
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